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Le Conseil économique et social rejoint le camp des pro-euthanasie

Le Conseil économique, social et environnemental a rejoint mardi le camp des partisans à un droit à l'euthanasie, en prônant de légaliser la "sédation profonde explicitement létale" pour les personnes qui la demanderaient en fin de vie.

L'assemblée consultative, qui s'était saisie elle-même de cette question, a adopté un avis en ce sens (107 voix pour, 18 contre, 44 abstentions), intitulé "Fin de vie: la France à l'heure des choix".

Le calendrier donne du poids à cette prise de position, en pleins États généraux de la bioéthique. Cette série de débats doit déboucher sur un projet de loi attendu à l'automne.

L'expression qu'a choisie le Conseil est volontairement distincte d'"euthanasie" et "suicide assisté", termes polémiques. Mais elle recouvre la même réalité, celle d'un médecin qui donne ou permet de donner la mort sciemment, quand elle lui paraît une réponse adaptée à la souffrance d'un patient sans espoir de rémission, qu'il puisse le dire ou non.

L'une de ses recommandations est d'"ajouter aux droits aujourd'hui reconnus à la personne malade par la loi celui de pouvoir demander au médecin, y compris à travers la rédaction de directives anticipées ou la désignation d'une personne de confiance, de recevoir, dans des conditions strictement définies, une sédation profonde expressément létale".

Interrogé par l'AFP sur cette expression, le rapporteur, Pierre-Antoine Gailly, a répondu: "Il y a des mots qui immédiatement crispent, qui bloquent, et qui sont les mots de suicide et d'euthanasie".

- Débat régulièrement ravivé -

L'euthanasie reste interdite en France. La dernière loi sur la fin de vie (Claeys-Leonetti du 2 février 2016) l'a réaffirmé en instaurant le droit à une "sédation profonde et continue", autrement dit une extinction de la douleur qui doit précéder une mort naturelle.

Or, a constaté le Cese, cette loi a été loin de clore un débat régulièrement ravivé par des cas très médiatisés, comme ceux de Vincent Humbert, Chantal Sébire, Vincent Lambert ou Anne Bert.

"L'opinion, depuis 2001, est d'avis que le pays devrait autoriser des formes de mourir plus volontaristes que les dernières lois", a souligné M. Gailly, membre du groupe des entreprises au Cese.

La majorité des Français y sont favorables, d'après les sondeurs. Mais les débats des États généraux de la bioéthique ont démontré, une fois de plus, qu'une forte opposition se manifestait du côté des croyants.

Autre argument qu'a soulevé en séance le rapporteur: selon les démographes de l'Ined, "l'euthanasie active serait pratiquée de façon plus ou moins régulière en dépit de son interdiction par la loi, et serait à l'origine, ou lié à quelque 2.000 ou 4.000 décès en France" chaque année.

Le Conseil lui-même s'est divisé. L'avis mentionne des "divergences exprimées" par un nombre non précisé de membres, "tenants de l'application pleine et entière de la législation existante". Pour ceux-ci, "la loi ne peut pas dire qu'une vie ne vaut plus d'être vécue".

La position majoritairement retenue n'est pas véritablement une surprise. Quand il avait annoncé sa saisine, après des pétitions pro-euthanasie, le Conseil avait indiqué qu'il pourrait pencher dans le sens de "l'ouverture de nouveaux droits relatifs à l'accès à une assistance médicale ou non à mourir".

Le Cese recommande au législateur d'"inclure dans la loi une clause de liberté de conscience permettant à toute personne, quelle que soit sa profession, de refuser de participer sous quelque forme que ce soit à la prescription, la dispensation ou l'administration d'une sédation profonde expressément létale".

Cette clause ne devrait pas apaiser les opposants à l'euthanasie.

Interrogé par La Croix, Mgr Pierre d'Ornellas, archevêque de Rennes et responsable des questions de bioéthique à la Conférence des évêques de France, a déploré une "ignorance de l'éthique". "L'avis n'aborde pas ce qu'est la souffrance, la personne avec sa liberté et sa dimension relationnelle, le rôle de la médecine, ni la signification de l'impératif civilisateur 'Tu ne tueras pas'", a-t-il dénoncé.

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