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Le chocolat "bio", choix éthique de plusieurs maîtres chocolatiers

Longtemps vendu dans les seules boutiques spécialisées et boudé par les consommateurs en raison de son manque de saveur, le chocolat bio a rejoint les grands crus des maîtres chocolatiers qui en ont fait un "choix éthique".

80% des plantations de cacao dans le monde sont bios de fait, les producteurs n'ayant ni les moyens d'utiliser de traitements chimiques, ni de s'offrir une certification bio, souligne Stéphane Bonnat, maître chocolatier de la maison de Voiron (Isère), l'une des plus anciennes d'Europe, pionnière dans la fabrication de chocolat bio il y a 17 ans.

"Celles qui sont reconnues comme telles ne représentent que 20% de la production mondiale, et moins de 2% du chocolat vendu dans le monde est bio", ajoute-t-il, interrogé par l'AFP en marge du Salon du chocolat à Paris.

Stéphane Bonnat tient beaucoup "aux relations avec les familles de planteurs de cacao" que sa propre famille cultive depuis plus d'un siècle, notamment au Mexique.

"A l'époque ils voulaient me vendre leur cacao 3 euros le kilo, moi j'ai proposé neuf euros ! Aujourd'hui ils vivent bien, viennent au salon à Paris, voient le produit fini. C'est pareil au Pérou, au Venezuela, au Brésil où deux producteurs se sont vu décerner le prix du meilleur cacao 2009", ajoute-t-il, parlant avec passion des 35 plantations auxquelles il achète 220 tonnes de fèves de cacao par an.

"Le paradoxe, souligne-t-il, c'est que les pays producteurs ne sont pas ceux qui fabriquent le chocolat. Et pour moi il y a une incompatibilité entre le bio et l'industrie qui n'est pas dans une démarche qualitative".

Jean-Paul Hévin, grand maître chocolatier parisien, achète directement le cacao bio à des producteurs haïtiens. Il s'est lancé dans cette démarche "éthique" il y a une dizaine d'années "pour défendre la filière" avec un souci de "l'équilibre comme axe de travail".

"Ca a un coût - environ 20% de plus en prix de revient - mais je ne le répercute pas sur le prix de vente de la tablette de chocolat (3,90 euros la tablette de 100 g de noir)", dit-il.

"Je voulais m'engager pour Haïti en assurant aux producteurs une meilleure rémunération, en évitant les intermédiaires. Je crois à l'art de vivre, à la qualité. Et la qualité dépend toujours du planteur", ajoute-t-il.

Car "bio ou pas bio, souligne Philippe Laurent, directeur des ventes de la maison Cluizel, un chocolat qui se distingue gustativement dépend toujours de la qualité de la fève et du savoir-faire, de la transformation, du conchage - fabrication de la pâte de cacao - pour lequel nous n'utilisons pas d'arômes artificiels, pas de lécithine de soja, de la vanille en gousse et du sucre de canne".

Il compare "le dernier grand cru maison de Papouasie Nouvelle Guinée" à un "très grand vin".

Comme Stéphane Bonnat et Michel Cluizel, François Pralus fait partie des cinq artisans chocolatiers de France qui travaillent eux-mêmes les fèves brutes, issues des grands crus d'Amérique du sud et d'Indonésie. Lui aussi aime ses "petits planteurs" de Madagascar où il est propriétaire d'une parcelle et du Venezuela qui produit le cacao Chuao, "un cru exceptionnel sur un terroir exceptionnel".

"Avec les 20 tonnes produites par an ils ont pu reconstruire l'école. A Madagascar, les planteurs gagnent 65 euros par mois. Le salaire moyen est d'environ 25 euros", dit-il.

"Le chocolat bio n'est pas meilleur en soi. Il y a le sucre, le beurre de cacao certifiés bios eux aussi. Tout cela c'est lourd financièrement. Les démarches administratives, les contrôles sont fastidieux. Mais c'est une démarche philosophique, un choix de vie quotidien".

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