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Le coronavirus relance l'offensive anti-avortement aux Etats-Unis

Une nouvelle bataille juridique à l'issue incertaine est engagée aux Etats-Unis autour du droit à l'avortement, que certains Etats conservateurs veulent suspendre pendant la pandémie de nouveau coronavirus.

Emmenés par le Texas, plusieurs Etats du sud et du centre du pays, ont inclus les interruptions volontaires de grossesse (IVG) dans la liste des interventions médicales "non urgentes" interdites tant que l'épidémie de Covid-19 sévit.

Dénonçant une instrumentalisation de la crise sanitaire à des fins "idéologiques", les défenseurs du droit à l'avortement ont saisi en urgence les tribunaux pour que les cliniques pratiquant des avortements puissent rester ouvertes.

Lundi soir, trois juges fédéraux leur ont donné raison. Dans des décisions distinctes, ils ont bloqué les décisions du Texas, de l'Ohio et de l'Alabama, en rappelant que la Cour suprême des Etats-Unis avait reconnu en 1973 le droit des femmes à avorter dans le pays.

L'un d'eux a souligné que le temple du Droit américain n'avait jamais mentionné de "clause" suspensive en cas d'urgence sanitaire.

Pour Alexis McGill Johnson de l'organisation Planned Parenthood, ces tribunaux ont envoyé un "message clair" aux Etats conservateurs: "exploiter une pandémie mondiale pour interdire l'avortement est illégal".

Mais ce message s'est brouillé mardi, quand une cour d'appel a accordé une victoire d'étape au procureur général du Texas, Ken Paxton.

La décision prise dans le dossier texan "est suspendue provisoirement afin de donner suffisamment de temps à la Cour pour examiner" les arguments des parties, a-t-elle ordonné, permettant ainsi au Texas d'interdire, au moins temporairement, les IVG.

Dans un communiqué, le procureur Paxton a "applaudi" cette décision qui, selon lui, "place les bonnes priorités dans l'attribution des équipements de protection pour les soignants".

- Autres dangers -

Aux Etats-Unis où les contaminations s'accélèrent (plus de 175.000 cas, 3.400 morts), comme dans d'autres pays, les opérations non vitales (pour placer des prothèses ou corriger la vue par exemple) ont été reportées afin de laisser un maximum de lits disponibles pour les malades du covid-19 et de réserver les équipements de protection aux personnels chargés de les soigner.

Les sociétés savantes, dont le collège américain d'obstétrique et de gynécologie, ont toutefois appelé à maintenir l'accès aux IVG. "Nous avons mis en garde sur les conséquences pour les femmes" de les suspendre, relève Skye Perryman, une responsable de ce collège de spécialistes: "ne pas pouvoir avorter peut avoir un impact profond sur leur vie, leur santé et leur bien-être."

Certaines femmes enceintes privées de l'accès à l'avortement vont "voyager dans d'autres Etats au risque de s'exposer ou de propager le coronavirus", d'autres vont "essayer d'avorter pour leurs propres moyens", a craint Alexis McGill Johnson, dans une conférence de presse organisée par visio-conférence.

"Nous savons tous que les grossesses ne s'arrêtent pas à cause de la crise sanitaire", a renchéri Jennifer Dalven de la puissante organisation de défense des droits civiques ACLU.

La juriste a assuré ne pas être "surprise" par les décisions du Texas, mais aussi de l'Alabama, de l'Ohio, de l'Iowa ou encore de l'Oklahoma: "ce sont les mêmes Etats qui adoptent depuis des années des lois anti-avortements et cherchent à fermer les cliniques pour des raisons bidon".

Depuis une vingtaine d'années, les Etats de la "Bible Belt" ont multiplié les textes de loi restrictifs sur l'avortement, imposant par exemple une largeur pour les couloirs menant aux blocs opératoires, contraignant de nombreuses cliniques à fermer leurs portes.

Depuis l'élection de Donald Trump, qui a gagné le soutien des chrétiens évangéliques en affichant son opposition à l'avortement, ces Etats ont redoublé leurs efforts dans l'espoir que la Cour suprême remaniée par le président républicain revienne sur sa jurisprudence.

Il y a un an, l'Alabama a ainsi adopté une loi interdisant tous les avortements même en cas de viol ou d'inceste. La justice l'a empêchée d'entrer en vigueur mais la procédure se poursuit.

La dernière offensive relève de la même logique, estime le docteur Yashica Robinson, gynécologue en Alabama. "Après avoir essuyé un nombre illimité d'attaques, nous voyons l'action actuelle de l'Etat pour ce qu'elle est: une tentative d'attaquer l'accès à l'avortement sous prétexte de la pandémie".

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