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Le procès d'une fraude record à la "taxe carbone" débute

Le procès du volet "marseillais" de l'"escroquerie du siècle" sur le marché des droits à polluer, le plus spectaculaire avec 385 millions d'euros éludés au fisc français, a débuté lundi à Paris avec des batailles de procédure.

Parmi les trente-six personnes prévenues, huit font l'objet de mandats d'arrêt.

Les débats ont lieu dans la première chambre de la cour d'appel, réquisitionnée en raison de sa taille. Toute la matinée, la présidente a lu la liste des faits reprochés à chacun.

Deux prévenus comparaissent détenus. Christiane Melgrani d'abord: l'ex-enseignante marseillaise devenue gérante d'un piano-bar puis employée d'une société de bâtiment est considérée, à 59 ans, comme "l'une des actrices principales" de la fraude.

Et le financier Gérard Chetrit, petit homme brun de 48 ans, qui a reconnu avoir joué le rôle de "trader".

L'après-midi a été consacré à des questions de procédure soulevées par la défense, qui devraient se poursuivre mardi.

Les avocats de Gérard Chetrit, Mes David-Olivier Kaminski et Erick Campana, ont soulevé une question prioritaire de constitutionnalité relative à la caution de 45 millions d'euros imposée à leur client et dont la majeure partie doit permettre d'assurer le paiement d'éventuelles amendes, une présomption de culpabilité, selon eux.

N'en ayant réuni "que" 38 millions, M. Chetrit est toujours détenu. Soupçonné d'avoir tenté de s'évader, il est à l'isolement. "J'ai jamais même pensé à m'évader", a clamé M. Chetrit, "ça fait deux mois que je suis à l'isolement avec des cinglés à droite et à gauche qui crient +Allah Akbar+ toute la nuit", "je me retrouve à perdre ma personnalité".

Ses avocats ont demandé sa remise en liberté. Le parquet national financier (PNF) s'y est opposé, estimant que son "risque de fuite" est "très élevé".

La défense de Grégory Zaoui, condamné dans un autre volet de la fraude, "Crépuscule", et désormais visé par un mandat d'arrêt, a également développé une QPC portant sur sa caution. Son avocat, Me Philippe Ohayon, a dénoncé "un droit de la caution où la liberté s'achète".

Le tribunal se prononcera ultérieurement sur ces demandes.

L'escroquerie à la TVA sur le marché des "quotas carbone" en 2008-2009, considérée comme une spécialité du milieu franco-israélien, a coûté au total 1,6 milliard d'euros au fisc. Devant l'ampleur de la fraude, les opérations avaient fini par être exonérées de TVA en France en juin 2009.

La combine était simple: acheter des droits à polluer hors taxe dans un pays européen, les revendre en France à un prix incluant la TVA, puis investir les fonds dans une nouvelle opération sans jamais reverser la TVA à l'État.

L'enquête avait débuté avec un signalement de la cellule antiblanchiment de Bercy, Tracfin, intriguée par les activités de deux sociétés intervenant sur le marché des quotas d'émission de CO2: Energie Groupe et RIDC. Au total, 385 millions d'euros ont été soustraits au fisc français par le biais de ces deux sociétés.

Le procès doit reprendre mardi matin. Il est prévu jusqu'à fin mars à raison de deux ou trois journées par semaine.

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