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Méprisés et indispensables, les Roms sont les éboueurs du Kosovo

Roms du Kosovo, les Maksutis survivent en récoltant et triant les ordures: aussi méprisés qu'indispensables, ils n'ont pas le temps de s'offusquer d'être oubliés des candidats en campagne pour les législatives du 6 octobre.

"Nous commençons à 07H00 le matin, et nous sommes dans la rue ou auprès de nos conteneurs toute la journée", résume le chef de la famille Maksuti, Bujar. Le prix à payer pour "fournir du pain" à ses six enfants âgés de 6 à 17 ans.

A l'exception de la Moldavie, aucun endroit en Europe n'est plus déshérité que le Kosovo selon le gouvernement américain. Et les Roms y font figure de pauvres parmi les pauvres.

Selon une étude de 2018 du Centre européen pour l'étude des minorités (ECMI), quand le salaire moyen excède 500 euros, un Rom gagnera pour collecter les ordures entre 50 et 100 euros mensuels versés par des compagnies. Celles-ci les exporteront pour des bénéfices que l'ONG évalue à 40 millions d'euros par an.

S'ils veulent louer un véhicule motorisé pour convoyer leurs déchets triés, les Maksutis devront y consacrer la moitié de ce qu'ils gagnent, d'après ECMI.

- Déscolarisation -

Comme ailleurs dans les Balkans, le traitement des ordures reste le pré carré des Roms, qui sillonnent les rues en charrettes ou sur des triporteurs qu'ils bricolent eux-mêmes, ramenant les ordures près de leurs campements pour les trier. Leurs enfants les accompagnent souvent, manquant l'école.

L'Unicef estime que 17% des petits Roms du Kosovo travaillent, 60% vivent dans une pauvreté absolue, tandis que 27% des filles et 12% des garçons ne terminent pas le cycle primaire d'éducation.

Faute d'infrastructures, les ordures qui échapperont à ce système artisanal pollueront le paysage, les nappes phréatiques et le sol du Kosovo dans des décharges sauvages ou officielles. Comme celle de Mirash, aux franges de Pristina, tristement célèbre pour les problèmes environnementaux qu'elle pose, et qui doit fermer en 2020.

Pour ce scrutin législatif, la question de l'intégration des Roms n'a pas plus été un thème de campagne que celle du traitement des ordures ménagères.

Pour prix de leur labeur, les Roms continuent de récolter le mépris. Cette activité "n'est pas un travail honorable", "vous travaillez avec des ordures", résume Bashkim Ibishi de l'association "Avançons ensemble", qui lutte pour l'intégration des Roms, des Ashkalis et des "Egyptiens". Ces populations pèsent pour 2% des 1,8 million d'habitants du Kosovo, en grande majorité albanais.

- "Danger sanitaire" -

Ce travail pénible et dangereux, les Maksutis, qui se partagent entre l'Albanie et le Kosovo, l'effectuent sans protection. Ils ont envoyé leurs enfants plus âgés trier des poubelles ailleurs, mais gardent les deux plus jeunes avec eux "pour qu'ils ne tombent pas malades", dit Bujar Maksuti.

Dans son dernier rapport, l'Agence gouvernementale de protection de l'environnement affirme que le système de gestion des ordures "n'est pas tenable d'un point de vue environnemental". "Malheureusement, la gestion des déchets n'a pas été considérée comme une propriété, et cela se reflète par la faiblesse des budgets alloués à tous les niveaux, ce qui ne fait qu'empirer la situation", selon cette administration.

Le système actuel ne permet de récolter que 60% des déchets, tandis que l'incinération ou la dépose sauvage du reste met en péril "la santé humaine, l'eau, le sol et la biodiversité", selon le rapport.

L'Institut pour une politique de développement, un centre de réflexion basé à Pristina, déplore qu'au final le Kosovo ne recycle que 5% de ses déchets quand il pourrait en traiter un tiers.

Quant aux éboueurs roms et à leurs enfants, ils sont exposés à "un danger sanitaire majeur", selon le rapport de l'Agence de protection de l'Environnement.

Mais "les Roms n'ont d'autre choix que de souffrir pour survivre, en fouillant les conteneurs d'ordures", dit Albert Kinolli, un des quatre députés représentant cette minorité. Aussi les Maksuti continueront à faire le tour des poubelles de Pristina, espérant y gagner huit euros par personne les bons jours. "Huit euros, c'est un gros salaire pour moi", dit Bujar.

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