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Pandémie: la vaccination connaît des ratés, Berlin discute avec Moscou

Défiance vis-à-vis du vaccin AstraZeneca et problèmes d'approvisionnement font patiner les campagnes de vaccination contre le coronavirus, poussant l'Allemagne à envisager désormais des achats de doses du controversé Spoutnik V à la Russie.

De nouveaux pays ont à leur tour annoncé jeudi limiter les injections du vaccin d'AstraZeneca au lendemain de rapports confirmant un lien avec de rares mais graves cas de caillots sanguins: les Philippines, le Portugal et les Pays-Bas ont suspendu son utilisation pour les moins de 60 ans, l'Australie pour les moins de 50 ans.

Ils rejoignent ainsi d'autres pays européens ayant adopté des mesures similaires ces derniers jours. La région espagnole de Castille-et-Leon et le Danemark ont pour leur part totalement suspendu son utilisation.

Ces décisions ont été prises malgré l'appel de la commissaire européenne à la Santé Stella Kyriakides aux 27 Etats membres de l'UE à "parler d'une seule voix", afin de ne pas nourrir la défiance contre ce vaccin sur lequel Bruxelles table pour mener à bien sa campagne, en retard par rapport aux Etats-Unis ou au voisin britannique.

- L'Allemagne discute sur le Spoutnik V -

L'Allemagne discute par ailleurs de possibles commandes de Spoutnik V, sans attendre le feu vert de l'UE et malgré les réserves que le vaccin russe anti-Covid continue de susciter en Europe.

Le Fonds souverain russe (RDIF), qui a financé le développement du vaccin, a débuté les négociations avec Berlin "pour un contrat d'achat anticipé", ont indiqué ses créateurs sur Twitter.

"J'ai expliqué au nom de l'Allemagne au Conseil des ministres de la Santé de l'UE, que nous discuterions de manière bilatérale avec la Russie, tout d'abord pour savoir quand et quelles quantités pourraient être livrées", a de son côté déclaré le ministre allemand de la Santé Jens Spahn, selon qui la Commission européenne refuse de négocier au nom des Vingt-Sept l'achat de Spoutnik V.

L'initiative allemande a été critiquée par le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, selon qui Moscou utilise le vaccin "comme un outil pour étendre son influence".

Le commissaire européen Thierry Breton s'est également montré très réservé sur l'utilité pour l'UE de recourir aux vaccins chinois ou russe, estimant qu'ils n'aideront pas l'UE "à atteindre (son) objectif d'immunité (de la population) d'ici l'été 2021".

En Slovaquie, le régulateur des médicaments a émis jeudi des doutes sur la composition d'un lot de Spoutnik V livré en mars. La Russie a rejeté ses accusations et dénoncé un "fake news".

L'UE n'est pas la seule à s'inquiéter des ratés de sa campagne: l'Australie n'a pas atteint son objectif de quatre millions de doses administrées (elle en est à un million) tandis que l'Indonésie a dénoncé jeudi des retards pris dans la livraison de plus de 100 millions de doses d'AstraZeneca, du fait notamment de restrictions aux exportations observées par l'Inde.

Ce dernier pays, qui abrite le plus grand fabricant de vaccins au monde (SII), a décidé de privilégier l'immunisation de sa propre population, alors qu'il connaît un record de contaminations. Plus de 126.000 nouvelles infections ont été enregistrées au cours des dernières 24 heures. Or seules 87 millions de doses ont été administrées jusqu'ici pour une population de 1,3 milliard d'habitants et selon les médias locaux, plusieurs Etats sont confrontés à une pénurie de sérum.

Le ministre de la santé de cet Etat a averti mercredi que les stocks risquaient d'être épuisés dans les trois jours. "Nous devons dire aux gens que, puisque les vaccins ne sont pas arrivés, ils doivent rentrer chez eux", a déclaré Rajesh Tope.

- Inégalités d'accès -

Au moins 708,4 millions de doses de vaccins anti-Covid ont été administrées dans le monde, selon un comptage réalisé jeudi par l'AFP à partir de sources officielles.

Mais de fortes inégalités subsistent entre pays à "revenu élevé", qui concentrent près de la moitié des doses administrées, et pays à "faible revenu", où n'ont été administrées que 0,1% des doses.

L'Afrique demeure "en marge", avec seulement "2% des vaccins administrés dans le monde", a déploré jeudi la directrice pour l'Afrique de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) Matshidiso Moeti.

Amnesty International a dénoncé le "quasi-monopole" des pays riches sur les vaccins face à une pandémie qui a fait plus de 2,89 millions de morts dans le monde, selon un bilan établi par l'AFP.

Cent pays et territoires ont reçu un total de 38,4 millions de doses de vaccins anti-Covid en 42 jours grâce au système Covax mais la campagne demeure handicapée par les problèmes de délais de livraison.

D'ici la fin 2021, l'objectif est d'arriver à vacciner jusqu'à 27% de la population des 92 pays les plus défavorisés bénéficiant de Covax. Un chiffre à comparer aux 70% de la population vaccinée que vise l'Union européenne ou la totalité de la population adulte des Etats-Unis promise par l'administration de Joe Biden d'ici l'été.

La campagne "est en pleine effervescence", s'est d'ailleurs réjoui Joe Biden, assurant qu'à partir du 19 avril tous les adultes américains seraient éligibles.

Pays le plus endeuillé avec près de 560.000 morts, les Etats-Unis en sont à plus de trois millions d'injections quotidiennes en moyenne sur les sept derniers jours, mais le nombre d'infections quotidiennes a recommencé à augmenter et reste à un niveau très élevé.

L'Iran a a franchi officiellement jeudi le seuil symbolique des deux millions de cas confirmés. Au Brésil, plus de 4.200 personnes sont mortes du Covid-19 en 24 heures jeudi.

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