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Parole libérée ou "gynéco-bashing"? Débat brûlant autour des "violences obstétricales"

Mots blessants, gestes médicaux vécus comme une "mutilation", impression d'être un "bout de viande" lors de l'accouchement... La polémique n'en finit plus de monter entre des femmes qui dénoncent des "maltraitances gynécologiques" et des praticiens qui s'insurgent contre ce "gynéco-bashing".

Dernière épisode dans ce débat qui fait rage depuis des mois, la parution récente du "Livre noir de la gynécologie", de Mélanie Déchalotte.

Il rassemble des témoignages de femmes qui se disent victimes d'examens brutaux, de paroles déplacées ou d'humiliations à l'accouchement, lors de consultations gynécos.

La Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale s'insurge contre "les attaques que la profession subit depuis plusieurs mois sous forme de témoignages à travers des livres ou des blogs".

"Tout ça c'est très violent contre nous et très dommage pour les femmes", renchérit auprès de l'AFP Héliane Missey Kolb, présidente du Collège de gynécologie Paris-Ile de France.

Elle craint que la virulence du débat "n'entraîne la méfiance chez les jeunes qui viendront consulter".

Car certains témoignages glacent. Dans le "Livre noir", Carine, 38 ans, raconte comment un médecin lui a dit: "Je vous ai enlevé l'utérus, mais c'est pas grave".

- 'Scandaleux' -

Autre reproche, le recours sans consentement à l'épisiotomie (incision du périnée, zone située entre le vagin et l'anus, afin de laisser passer le bébé).

"Prisonnière d'une camisole chimique, j'ai refusé cette épisiotomie (...) on me coupe quand même", raconte Barbara, qui a accouché sous péridurale et pour qui le "clac, clac" du ciseau reste "un traumatisme".

La fréquence des épisiotomies s'est cependant notablement réduite: 55% en 1998, 27% en 2010, 20% en 2016. Pour le premier accouchement, cette proportion est tombée de 71% en 1998 à 34,9 % 2016, selon les derniers chiffres de l'Inserm.

Toute la polémique s'est cristallisée dans une expression contestée: "Violences obstétricales". Elle désigne des actes médicaux durant l'accouchement qui ne sont pas nécessaires ni consentis par la future mère.

Cet été, l'emploi de ce terme par la secrétaire d'Etat à l'égalité femmes-hommes Marlène Schiappa avait provoqué la fureur des gynécologues. Mme Schiappa a commandé au Haut conseil à l'Egalité entre les femmes et les hommes un rapport sur la question attendu en mars 2018.

L'une des figures de proue de cette contestation est la féministe belge Marie-Hélène Lahaye, qui a lancé dès 2013 le blog Marie accouche là.

Elle a écrit des billets "un peu pamphlétaires, provocants, pour faire réagir" qui lui ont valu, dit-elle à l'AFP, de vives réactions de médecins: "C'est scandaleux, vous faites peur aux femmes, vous voulez la mort des bébés".

- 'Nouvelle génération' -

"Les blogs, les réseaux sociaux et une certaine féminisation" dans les médias ont contribué à faire émerger ce sujet, estime pour sa part la militante féministe Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes.

La Fondation vient de mettre en ligne le guide juridique "Accouchement, mes droits, mes choix" pour offrir aux femmes "des informations sur leurs droits et sur les devoirs" des professionnels de santé.

"La polémique sur les violences obstétricales montre qu'entre le pouvoir médical et les patients les lignes bougent", dit à l'AFP le docteur Laurent Vercoustre.

Pour cet obstétricien récemment retraité, "les femmes ne supportent plus le paternalisme médical. C'est un phénomène irréversible de la redistribution du pouvoir entre médecins et patients" qui va "bien au-delà du domaine obstétrical".

"Le bon côté, c'est que ça crée des discussions chez les médecins", concède à l'AFP l'obstétricien Bernard Huynh, qui déplore cependant des "accusations un peu tous azimuts".

Pour lui, le reproche de la domination masculine sur la gynécologie-obstétrique s'efface devant la féminisation massive du métier.

"Cela ne change rien si elles ne remettent pas en question les fondements de leur profession", rétorque Mme Lahaye.

Elle observe toutefois "un changement depuis quelques mois", avec davantage de gynécos "conscients du problème". Parmi eux, la "nouvelle génération, qui veut bouger", même si elle la juge encore "minoritaire".

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