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Pauvreté des jeunes: désherber les rues pour reprendre confiance

Depuis 7 mois, Baptiste, 20 ans, vit dans un squat et fait la manche. Ce matin, armé d'une binette il arrache avec entrain les mauvaises herbes dans le centre historique de Bordeaux avec pour seul objectif: empocher 40 euros.

Baptiste fait partie de la quarantaine de jeunes en errance, âgés de 18 à 25 ans, qui participent chaque année à Bordeaux au dispositif TAPAJ (Travail Alternatif Payé à la Journée) qui leur offre la possibilité de travailler quatre heures par semaine - payées dix euros net de l'heure - sur des chantiers ne nécessitant aucune formation.

A la veille de l'annonce du plan pauvreté, le délégué général du TAPAJ, Jean-Hugues Morales, espère que les mesures du président d'Emmanuel Macron vont permettre au dispositif, qui a vu le jour en 2012 à Bordeaux, d'obtenir des financements afin de mieux structurer et développer ce réseau désormais présent dans 24 villes.

Le TAPAJ se veut un marche-pied pour permettre à des jeunes en situation d'errance d'arrêter de faire la manche ou de vivre de petits larcins. "Cela leur permet de prendre confiance en eux et de voir qu'une autre réponse est possible", explique Jean-Hugues Morales, éducateur de rue et sociologue.

Les "Tapajeurs" sont recrutés directement dans la rue ou dans des squats par des éducateurs qui leur donnent rendez-vous sur un chantier de la ville.

Durant quatre heures, par groupe de sept encadrés par un éducateur, ils effectuent des travaux de désherbage, de peinture ou de manutention. Un salaire leur est versé à la fin de la journée sous forme de chèque emploi service échangeable à la poste, un système pratique et facile pour ces jeunes qui ne possèdent souvent ni compte bancaire ni adresse.

- "Penser à autre chose" -

"Je fais ça depuis trois ans pour éviter de faire tout le temps la manche et d'être dehors à rien faire. Cela me remet dans le bain, penser à autre chose et avoir des sous", témoigne Cassie 21 ans, gilet jaune fluo TAPAJ portée sur des bas noirs à grosse résille déchirée.

Cette jeune fille, qui vit dans un squat, est entrée dans la phase trois du dispositif et l'argent gagné lui permet de se nourrir "mais également de nourrir mon chien et mon copain". "Parfois, je gagne plus en faisant une bonne manche mais c'est toujours mieux de travailler".

Bordeaux compte environ 150 SDF, âgés de 18 à 25 ans, dont beaucoup ne se séparent jamais de leur chien, et les candidats au programme sont désormais plus nombreux que les postes proposés.

"C'est une fierté pour eux de travailler, c'est valorisant et cela leur permet de voir que dans la vie, quand on veut, ça avance", affirme Agnès Creyemey, éducatrice de rue.

Outre leur salaire, ils obtiennent une fiche de paie et cotisent pour les différents organismes. "Ce n'est pas un dispositif d'insertion professionnelle en soi mais un outil de revalorisation sociale et cela permet de travailler de manière transversale la question du soin, de l'hébergement et de l'insertion professionnelle", tient à souligner Jean-Hugues Morales.

A sa création en 2012 à Bordeaux, 80% des financements étaient publics et 20% provenaient d'entreprises privées. Depuis, la tendance s'est inversée, Bordeaux métropole finance 30% et les partenaires privés 70%.

"Aujourd'hui, quarante entreprises nous accompagnent dans ce programme car il y a une implication de plus en plus forte de la responsabilité sociétale des grandes entreprises", se félicite le délégué général qui vient de signer un contrat de quatre ans avec la société Suez chargée d'assurer la propreté de l'hypercentre de Bordeaux.

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