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Plomb de Notre-Dame: quels dangers pour la santé ?

La suspension du chantier de Notre-Dame et la fermeture de deux écoles par précaution relancent la question de la dangerosité pour la santé de la pollution au plomb après l'incendie de la cathédrale.

La toxicité de ce métal lourd est avérée, mais à partir de quelle quantité dans l'environnement y a-t-il un danger ? Qu'en est-il pour la présence de poussières sur les sols ?

Du fait des autres sources de pollution, un risque existe-t-il même dans les zones qui n'ont pas été touchées par les retombées de poussières de l'incendie ?

- Quels sont les risques sanitaires liés au plomb ? -

"Il n'existe pas de concentration de plomb dans le sang qui soit sans danger", avertit l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Ce métal entre dans l'organisme par inhalation ou par ingestion puis se diffuse pour atteindre le cerveau, le foie, les reins et les os. Une exposition aigüe ou chronique à des niveaux élevés entraîne des troubles digestifs, une perturbation des reins, des lésions du système nerveux ou des anomalies de la reproduction.

Les enfants, au système nerveux en plein développement, sont très vulnérables à cette intoxication, aussi appelée "saturnisme". Pour une même quantité, leur organisme absorbe "4 à 5 fois plus de plomb que les adultes" et leur propension à porter des objets à la bouche les expose davantage, souligne l'OMS.

Même des concentrations sanguines faibles "peuvent affecter l'intelligence de l'enfant et entraîner des problèmes comportementaux et des difficultés d'apprentissage".

En France, depuis 2015, on parle de cas de saturnisme au-dessus de 50 µg/l de sang, contre 100 µg/l auparavant. 837 nouveaux cas ont été notifiés en 2016, selon Santé publique France. Un "seuil de vigilance" est établi à 25 µg/l.

- Quelle concentration dans l'environnement expose à une intoxication ? -

Après des mesures rassurantes sur la qualité de l'air, le débat s'est porté sur la concentration de plomb sur les sols.

En 2014, le Haut conseil de la santé publique (HCSP) a recommandé qu'un dépassement du seuil de 70 µg/m2 dans les "poussières déposées dans les logements" devait "conduire à un dépistage du saturnisme infantile" car on pouvait s'attendre à retrouver une plombémie supérieure à 50 µg/l chez environ 5% des enfants.

Le HCSP recommande une attention particulière pour les "sols d'espaces collectifs habituellement fréquentés par des enfants".

C'est sur ces préconisations que la mairie de Paris s'est appuyée pour rassurer les parents après les prélévements réalisés dans une dizaine d'établissements du quartier mi-mai, car aucun ne dépassait "en moyenne" 70 µg/m2, même si quelques pics allant jusqu'à 698 µg/m2 ont été relevés (dans des cours de récréation principalement).

Alors que plusieurs associations et le site d'information Mediapart contestent cette prise en compte d'une moyenne, l'ARS Ile-de-France note que même en cas de dépassement, "il ne s'agit pas d'un seuil réglementaire" qui obligerait à des évacuations.

Les autorités ne sont toutefois pas restées inactives, souligne Cécile Somarriba, directrice adjointe à la sécurité sanitaire de l'ARS, citant "l'incitation au dépistage et la sensibilisation des occupants des logements pour poursuivre le nettoyage".

La ville a réalisé un nouveau "nettoyage approfondi" des écoles concernées ces derniers jours.

Parmi les 82 mesures réalisées sur des enfants résidant à proximité de Notre-Dame, 10 présentaient une plombémie comprise entre 25 et 49 µg/l et un enfant dépassait 50 µg/l, en raison d'une exposition dans son logement, sans lien avec l'incendie.

La mairie de Paris n'a pas précisé le nombre total d'enfants dans la zone concernée.

Ayant élargi le périmètre des prélèvements, la ville a annoncé mercredi la fermeture temporaire par "précaution" de deux écoles à Saint-Germain-des-Prés, après des mesures dépassant 5.000 µg/m2 dans la cour.

- Le "bruit de fond" du plomb -

Une des difficultés à statuer vient de l'absence de seuil applicable pour les sols extérieurs en dur.

"Nous avons dû construire des références et des préconisations sur un événement qui n'avait pas fait l'objet de normes", a souligné Aurélien Rousseau, directeur général de l'ARS Ile-de-France.

Les niveaux mesurés sur le parvis (500.000 à 900.000 µg/m2) et à l'intérieur de la cathédrale ont justifié la fermeture au public et les mesures strictes de sécurité imposées aux travailleurs du chantier.

Mais que penser des 50.000 µg/m2 de la rue de la Cité et des 20.000 µg/m2 de la place Saint-Michel ?

Marcher sur des poussières de plomb ne présente pas de danger, mais le risque consisterait à en rapporter chez soi sous ses semelles.

"On a attendu de comprendre ce qui se passait, dès lors que simultanément on était assuré qu'il n'y avait pas de conséquences sur la santé publique", a expliqué Aurélien Rousseau, en référence aux mesures réalisées dans les logements alentours et aux analyses de sang rendues publiques.

Les autorités ont cherché à "reconstituer la pollution préexistante" à l'incendie du 15 avril, héritage du plomb contenu dans l'essence jusqu'en 2000 ou de l'utilisation de feuilles de plomb pour le revêtement des bâtiments anciens (églises, immeubles haussmaniens...).

"Cela va nous permettre de cibler les zones et les populations auxquelles on va délivrer des messages de prévention", a indiqué Cécile Somarriba à l'AFP.

A partir de prélèvements de ces dernières années, l'ARS estime à 5.000 µg/m2 le niveau de pollution au plomb qu'on peut s'attendre à retrouver dans les rues de la capitale.

En 2017, des prélèvements à proximité de monuments historiques parisiens montraient des valeurs jusqu'à 21.000 µg/m².

Cela veut-il dire que tous les pavés parisiens sont contaminés par le plomb ?

"Effectivement, la question peut se poser ailleurs", reconnaît Cécile Somarriba, prévoyant des "analyses plus larges" dans la capitale et souhaitant la définition de recommandations sanitaires au niveau national.

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