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Prise en charge des maladies rares: des budgets qui inquiètent

En France, trois millions de personnes souffrent de maladies rares, auxquelles une journée est dédiée mercredi, et leur prise en charge est un modèle pour les autres pays. Pourtant, la grogne monte chez les spécialistes, qui se plaignent de problèmes de financement.

En cause selon eux, le fait que certains hôpitaux captent des crédits normalement destinés aux maladies rares et les utilisent autrement.

"Au final, c'est le patient qui en pâtit car ces budgets devraient être consacrés au soin, à l'enseignement, à la recherche", assure à l'AFP le professeur Eric Hachulla (CHU de Lille), responsable de l'une des 23 filières dédiées aux maladies rares.

Une maladie est dite "rare" quand elle touche moins d'une personne sur 2.000 (soit moins de 30.000 personnes en France). 80% sont d'origine génétique, 8.000 sont identifiées et 3 millions de personnes sont concernées en France selon les chiffres officiels (350 millions dans le monde).

Ces malades se heurtent à deux principaux obstacles: le retard de diagnostic et la quasi-absence de traitement curatif.

Le premier plan national maladies rares (2005-2008) a créé des structures originales, les centres de référence, disséminés sur tout le territoire.

Chacun est consacré à un groupe de maladies, pour faciliter le diagnostic et améliorer la prise en charge. "Leur création était un bonheur pour les patients", se souvient le professeur Hachulla. Le nombre de ces centres est passé à 387 après une vague de labellisations l'an passé.

Le deuxième plan national, 2011-2016, a mis en place 23 "filières de santé maladies rares" pour chapeauter ces centres.

Mais alors qu'on attend un troisième plan, les responsables des 23 filières ont écrit en décembre au ministère de la Santé pour manifester leur "inquiétude".

Dans ce courrier commun, ils déplorent "l'absence presque totale de visibilité que la grande majorité des centres de référence peuvent avoir sur leur dotation budgétaire", ce qui peut "compromettre" leur fonctionnement.

- "Du personnel en moins" -

Un budget total de 89 millions d'euros est alloué aux centres de référence, à répartir selon de nouvelles modalités définies en même temps que la vague de labellisations l'an passé.

"Cela représente de 140.000 à 360.000 euros par an pour chaque centre", selon le professeur Hachulla, responsable de la filière des maladies auto-immunes et auto-inflammatoires rares, qui regroupe 19 centres.

Problème: censés être réservés aux maladies rares, ces budgets sont parfois utilisés à d'autres fins par les hôpitaux qui abritent les centres de référence.

"Les situations sont hétérogènes, mais ce problème concerne 40% des centres de référence", souligne Eric Hachulla.

Les responsables des filières pointent en particulier la question des frais de structure, que certaines directions hospitalières prélèvent sur les budgets dédiés aux maladies rares.

"Ces frais de structure peuvent monter à 30% selon les endroits. Quand on fonctionne avec 140.000 euros et qu'on vous prend 30%, ça fait du personnel en moins", déplore Eric Hachulla.

"Nous ne contestons bien sûr pas la volonté de ces groupes hospitaliers de vouloir préserver leur équilibre budgétaire mais nous nous alarmons que cela puisse se faire au détriment des actions prévues par les différents plans maladies rares", font valoir les responsables des filières dans leur courrier.

La direction générale de l'offre de soins (DGOS) du ministère a répondu début février. "Dans le contexte financier que connaissent certains hôpitaux, il est compréhensible que le nouveau dispositif financier se mette en place progressivement", écrit-elle.

Pas de quoi rassurer les responsables des filières et des centres, qui ont publié vendredi un communiqué pour dénoncer "la confiscation des crédits maladies rares par certaines directions hospitalières". Il est co-signé par deux importantes associations, Alliance maladies rares et l'AFM-Téléthon.

"Les centres de référence sont un élément primordial. Il faut une réelle transparence sur l'affectation des budgets", plaide auprès de l'AFP Christophe Duguet, l'un des responsables de l'AFM-Téléthon.

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