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Pyrénées: après les ours, la vallée d'Aspe en rébellion contre les camions dangereux

La vallée d'Aspe, dans les Pyrénées-Atlantiques, déjà vent debout contre l'introduction d'ours slovènes, vient d'entamer un autre combat: l'interdiction des camions transportant des matières dangereuses entre France et Espagne sur ses routes en lacets.

La colère couvait depuis des mois mais l'accident d'un camion le 27 août dernier a mis le feu aux poudres.

Dans la commune d'Etsaut, près du Fort du Portalet, un camion-citerne transportant 24.000 litres de chlorite de sodium, est tombé dans un ravin, finissant sa course 30 mètres en contrebas de la route.

Le chauffeur, de nationalité espagnole, est décédé, et malgré les efforts des opérations de secours, une fuite de chlorite de sodium, un composé utilisé comme agent désinfectant ou agent de blanchiment, est venu polluer le gave d'Aspe.

En pleine période estivale, la préfecture a interdit toutes les baignades, les activités nautiques ou de pêche tandis que l’accès au tunnel et au col du Somport était interdit dans le sens France-Espagne.

C'en était trop pour le maire de la commune de Borce, en vallée d’Aspe, qui a pris lundi un arrêté pour interdire la circulation des camions transportant des matières dangereuses.

"C'est une action citoyenne. Nous avons pris cet arrêté comme on lance un appel au secours", tempête Didier Bayens, premier adjoint de la mairie de Borce.

Borce, avec ses 145 habitants, est une étape de la traversée des Pyrénées bien connue des randonneurs du GR 10. Mais la commune est aussi située près de la RN 134 et à proximité du tunnel routier du Somport, ouvert à la circulation depuis 2003 pour relier l’Espagne à la France.

"C'est un piège à camions, déplore M. Bayens. Environ 400 camions par jour transitent dans la zone dont une partie est classée Natura 2000, un seul petit tronçon a été aménagé à la sortie du tunnel. Depuis l’ouverture du tunnel, une vingtaine de camions dont deux avec des produits dangereux ont plongé dans le ravin".

- "Dans le mur" -

Le drame de la semaine dernière a fait déborder la colère des habitants. "C’en est trop. Il y a mort d’homme", lance-t-il.

Jean Lassalle, député de la vallée, a écrit à la ministre des Transports Elisabeth Borne, pour demander un rendez-vous, invoquant "la gravité de la situation" et "la vague de colère et d'incompréhension sans précédent".

Deux manifestations des riverains ont eu lieu depuis l’accident du 27 août, demandant au préfet des Pyrénées-Atlantiques, Gilbert Payet, de prendre un arrêté interdisant la circulation des camions transportant des matières dangereuses.

"Il n’en a rien été, regrette M. Bayens. Alors on l’a fait. Nous avons pris cet arrêté pour faire bouger les lignes alors que nous n’avons pas la compétence de le faire, notre compétence s’arrête aux limites de la commune".

"C’est une action de résistance communale. Une façon de demander au préfet des Pyrénées-Atlantiques, qui représente l'Etat, de prendre ses responsabilités", explique Me Jean-François Blanco, avocat de la commune, qui précise qu'une "plainte pour mise en danger d’autrui va être déposée".

"Le préfet fera appliquer le contrôle de légalité de cet arrêté", a sobrement commenté la préfecture des Pyrénées-Atlantiques, sollicitée par l’AFP.

En attendant, à Borce, la résistance s’organise, les panneaux fleurissent affichant l’interdiction aux camions de matières dangereuses de transiter par la RN 134.

"C'est une manière de faire appliquer cet arrêté de manière symbolique. Sinon, nous allons dans le mur. On demande la fin du transit par le tunnel du Somport, nous avons peur pour notre sécurité et notre environnement", insiste M. Bayens.

La vallée est habituée à la résistance contre le pouvoir central. C'est à Etsaut, la semaine dernière, que bergers et élus ont manifesté et crié leur refus de l'introduction de l'ours, voulu par l'ancien ministre de la transition énergétique Nicolas Hulot. Une décision aujourd'hui en suspens.

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