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Rejets dans les Calanques: un délai de 5 mois supplémentaires pour Alteo

L'usine Alteo de Gardanne (Bouches-du-Rhône), actuellement en redressement judiciaire, s'est vu accorder un délai supplémentaire de 5 mois pour mettre en conformité avec les normes environnementales ses rejets liquides dans les Calanques, a-t-on appris jeudi de source préfectorale.

"Il y a lieu d'accorder d'urgence" ce délai sollicité par Alteo "afin de lui permettre de continuer de fonctionner au-delà du 31 décembre 2019", explique l'arrêté pris lundi par le Préfet des Bouches-du-Rhône, arrêté dévoilé jeudi par Radio France.

Dans ce texte, Pierre Dartout souligne qu'Alteo, leader mondial des alumines de spécialité, emploie "plus de 500 salariés" à Gardanne. Et il met en avant "les risques de déstabilisation qu'une cessation brutale d'activité ferait peser sur le territoire".

Cet arrêté donne jusqu'au 8 juin à Alteo pour que la société mette en conformité ses rejets liquides dans le parc national des Calanques, pour les deux derniers paramètres sur lesquels elle est encore hors des clous: la demande biologique en oxygène (DBO5) et la demande chimique en oxygène (DCO).

Un arrêté préfectoral du 28 décembre 2015 avait initialement autorisé Alteo à dépasser les normes environnementales jusqu'au 31 décembre 2021, pour six paramètres sur 51 au total. Ce délai avait été réduit de deux ans, au 31 décembre 2019, par un jugement du tribunal administratif de Marseille du 20 juillet 2018.

Si l'entreprise respecte déjà les normes au niveau du fer, de l'arsenic, de l'aluminium et du Ph, elle demande depuis plusieurs mois un délai supplémentaire pour la DBO5 et la DCO.

Dans son arrêté, le Préfet précise que l'entreprise a démarré la construction d'une nouvelle station de traitement biologique qui lui permettra de respecter définitivement les normes environnementales.

Il cite également un rapport de mai 2019 du Comité de surveillance et d'information sur les rejets en mer, un comité de scientifiques institué en 2015. Selon ce document, "aux concentrations observées, les paramètres DBO5 et DCO n'ont pas d'impact en mer (...) vu le niveau d'oxygénation naturellement élevé" là où ont lieu ces rejets, à 320 m de profondeur et à 7 km de la côte.

Devant la cour administrative d'appel de Marseille, en janvier 2019, l'avocat de l'Union Calanques Littoral, une association de défense de l'environnement, avait dénoncé "la fable de l'impossibilité technique" avancée par l'entreprise: "Alteo ne fait tout simplement pas les efforts nécessaires", avait-il insisté.

L'usine Alteo de Gardanne a été placée en redressement judiciaire le 12 décembre, à la demande de l'entreprise, qui a mis en avant une "baisse brutale" de ses commandes. La holding Alteo a elle été placée sous procédure de sauvegarde.

Alteo Gardanne avait affiché un chiffre d'affaires de 242 millions d'euros en 2018. Les alumines de spécialité produites dans les Bouches-du-Rhône sont utilisées, entre autres, dans les matériaux de construction tels que le carrelage et dans les composants de produits high-tech comme les écrans de smartphone ou de télévision.

Ancien site de production d'alumine de Péchiney et du géant minier anglo-australien Rio Tinto, l'usine de Gardanne, créée en 1894, a été rachetée en 2012 par le fonds d'investissement américain HIG et rebaptisée Alteo.

L'entreprise fait l'objet de vives critiques depuis des années pour ses rejets en mer, dans le parc national des Calanques mais aussi pour l'entreposage de déchets solides sur terre, près de Gardanne.

Concernant ce site de stockage de ses "boues rouges" solides, l'entreprise a jusqu'à la fin 2020 pour l'aménager avec notamment la création d'un bassin étanche, pour limiter la pollution.

En mars 2019, une information judiciaire a été ouverte visant Alteo et ses rejets, et deux juges d'instruction ont été saisis, après une plainte déposée par huit personnes en avril 2018 pour mise en danger de la vie d'autrui.

En 50 ans, Alteo aurait envoyé dans la mer au moins 20 millions de tonnes de "boues" chargées d'arsenic ou de cadmium.

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