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Ski: le fluor bientôt banni, le fartage à réinventer

Mauvais pour l'environnement, mauvais pour la santé... Utilisés depuis plusieurs dizaines d'années pour farter les skis et gagner en vitesse, les produits fluorés seront bientôt interdits en compétition, un bouleversement dans le petit milieu de la neige.

Dans l'espace cubique d'un local préfabriqué, ou à l'arrière d'un camion prévu à cet effet, les "techniciens" s'affairent tous les week-ends autour de paires de skis avec un but unique: les faire glisser le plus vite possible. Pour ce travail d'orfèvre, chaque détail compte.

"Ce qui fait la glisse c'est la friction qui fait fondre la neige en surface sous le ski, décrit Jean Hérody, l'un des expérimentés techniciens de l'équipe de France de ski de fond. Pas assez, ça glisse bien à basse vitesse seulement. Trop, ça ne glisse plus du tout à basse vitesse."

"Préparer une paire c'est d'abord la mécanique, nous gravons la semelle du ski pour créer de micro rainures. Il faut combiner cet aspect à la chimie: nous collons une couche de paraffine fondue avec un fer dans la semelle, qu'il faut racler, avant de faire fondre par-dessus des poudres fluorées, puis des liquides (fluor dans un solvant) pour accélérer encore", le tout équipés de masques filtrants, recycleurs d'air et fers aspirants.

Pourquoi? L'indispensable fluor, utilisé depuis les années 1980, a été déclaré dangereux pour la santé et pour l'environnement par plusieurs études. Et sera banni la saison prochaine.

- La FIS coupe le son -

Un règlement de l'Union européenne applicable en juillet pour un certain composant (le PFOA) a fait le premier pas, mais la Fédération internationale de ski (FIS) a surpris tout le monde en allant plus loin, et a annoncé en octobre 2019 l'interdiction complète de tout produit fluoré.

C'est la Norvège, pays phare et influent du nordique, qui a mené ce dossier et banni ces produits de ses compétitions nationales depuis la saison dernière.

"Nous avions de fortes suspicions depuis plusieurs années", indique à l'AFP le directeur du ski de fond à la FIS Pierre Mignerey, également membre de la commission chargée de plancher sur le sujet.

"Continuer sans rien faire, ce serait fermer les yeux. Et la décision, politique, a été accélérée par la législation européenne. Nous sommes allés plus loin, car la législation risque de toute façon de se durcir un jour, et que nous ne sommes pas capables aujourd'hui avec un test sur une paire de skis de faire la différence entre les produits fluorés interdits ou autorisés par l'UE."

Un écueil majeur subsiste: impossible pour l'heure de détecter ceux qui ne respecteront pas la future loi, car le protocole de test n'existe pas!

"Les Norvégiens utilisent un test compliqué et onéreux, avec un scotch sur la semelle du ski qu'il faut envoyer dans un laboratoire en Allemagne", indique M. Mignerey.

"Nous sommes en contact avec des universités qui nous disent que les outils pour détecter les composants fluorés directement sur le ski existent mais qu'il faut les miniaturiser et encore réaliser une batterie de tests pour être certains de leur fiabilité."

- Regarder dans le solvant -

Alors qu'une solution et un budget doivent être présentés au prochain Conseil de la FIS en février, l'interdiction fait grincer quelques dents dans le milieu qui la trouve précipitée, alors que l'industrie a été prise de court et ne propose pas de solution de rechange aussi performante.

Ce choix "vert" s'annonce majeur pour le monde de la neige, car il concerne toutes les disciplines (ski de fond mais aussi alpin, saut, combiné etc.), alors que le biathlon, dans une fédération à part (l'IBU), décidera une fois le protocole de test formellement établi.

Mais un risque subsiste pour les amateurs, qui fartent eux-mêmes leur matériel sans la protection et les informations des pros.

"Pour nettoyer nos semelles de ski par exemple nous utilisons des solvants de plus en plus fort, précise M. Hérody. Respirer cela, c'est très mauvais. Les professionnels, nous sommes équipés. Mais le gars dans son garage va peut-être à peine penser à mettre un bête mouchoir… S'inquiéter du fluor d'accord, mais nous sommes exposés pour d'autres raisons."

Les solvants, la prochaine étape à franchir?

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