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Traité pour protéger la haute mer: les négociations en eaux troubles

Cette session doit être la dernière, mais vendredi, au dernier jour de deux semaines de négociations pour élaborer un traité destiné à protéger la haute mer, les observateurs oscillent entre craintes d'un échec et espoir d'un miracle.

Après plus de 15 ans de discussions informelles puis formelles pour accoucher d'un texte contraignant visant à protéger cette vaste zone qui couvre près de la moitié de la planète, les appels à ce que cette 5e session soit enfin la dernière se sont multipliés ces derniers mois.

La cinquantaine de pays membres de la Coalition pour une haute ambition de cet accord, emmenés par l'Union européenne, ont notamment plaidé pour la conclusion d'un accord qui permette réellement de protéger l'océan cette année.

Mais "les négociations sont à deux doigts d'échouer, à cause de l'avidité des pays de la Coalition pour une haute ambition et d'autres comme le Canada et les Etats-Unis", a dénoncé Greenpeace.

Un des points les plus litigieux concerne la répartition des possibles bénéfices issus de l'exploitation des ressources génétiques de la haute mer, où industries pharmaceutiques, chimiques et cosmétiques espèrent découvrir des molécules miraculeuses.

Semblant aller dans le sens des pays en développement qui craignent de passer à côté de retombées potentielles faute de pouvoir conduire ces recherches coûteuses, le projet de texte publié il y a quelques jours mettait sur la table la redistribution de 2% des futures ventes de produits issus de ces ressources qui n'appartiennent à personne.

Mais depuis, "il y a eu un grand pas en arrière", a jugé Will McCallum, de Greenpeace, accusant notamment l'UE de refuser ce partage. "Ce n'est même pas de l'argent réel, juste une hypothèse pour l'avenir, c'est ça qui est vraiment frustrant", a-t-il déclaré à l'AFP.

Des accusations rejetées par l'UE. "Nous sommes prêts à contribuer à l'accord (...) à travers diverses sources de financement, (accord) qui de notre point de vue doit inclure un partage juste des bénéfices des ressources marines génétiques au niveau mondial", a indiqué un négociateur européen à l'AFP.

Ces questions d'équité Nord-Sud traversent de nombreuses négociations internationales, en particulier les négociations climat où les pays en développement victimes mais pas responsables du réchauffement réclament en vain aux pays riches de respecter leurs promesses d'aide financière.

- "Trop près du but pour échouer" -

Si Greenpeace s'est montrée très pessimiste, d'autres espèrent toujours un accord vendredi.

"C'est lent, mais il y a toujours dans la salle une volonté d'aboutir", a assuré à l'AFP Liz Karan, de l'ONG Pew Charitable Trusts. "Je ne parlerais pas encore d'échec, mais l'heure tourne".

"Nous pouvons le faire, mais les pays, en particulier ceux qui s'affirment défenseurs des océans, doivent montrer plus d'ambition et de flexibilité", a également déclaré Jihyun Lee, du collectif d'ONG Alliance pour la Haute mer. "Nous sommes trop près du but pour échouer".

Ce traité vise spécifiquement la haute mer qui commence où s'arrêtent les zones économiques exclusives (ZEE) des Etats, à maximum 200 milles nautiques (370 km) des côtes, et qui n'est donc sous la juridiction d'aucun pays.

Alors que la bonne santé des écosystèmes marins est cruciale pour l'avenir de l'humanité, notamment pour limiter le réchauffement de la planète, seulement 1% de cet espace, qui représente 60% des océans, est protégé.

Un des piliers du traité sur "la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale" est d'ailleurs d'y permettre la création d'aires marines protégées. "Une étape cruciale dans les efforts pour protéger au moins 30% de la planète d'ici 2030", a souligné Maxine Burkett, une responsable pour les océans au département d'Etat américain.

Mais les délégations s'opposent toujours sur le processus de création de ces aires, ainsi que sur les modalités d'application de l'obligation d'études d'impact environnementales avant une nouvelle activité en haute mer.

"Ils ont fait beaucoup de progrès depuis le début des négociations il y a deux semaines sur des questions très controversées", a toutefois commenté auprès de l'AFP Klaudija Cremers, chercheuse à l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI), qui comme plusieurs ONG a un siège d'observateur des négociations. "Cela pourrait être le coup de pouce pour un accord".

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