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Ukraine: campagne par éprouvettes interposées entre les candidats du second tour

Nouveau paroxysme d'une campagne rocambolesque en Ukraine: les candidats au second tour de la présidentielle ont passé vendredi des tests de dépistage de drogue et d'alcool, tout sourires et les manches retroussées en direct sur les réseaux sociaux.

Le comédien Volodymyr Zelensky et le président sortant Petro Porochenko ont passé la première des trois semaines de l'entre-deux tours à se chamailler par vidéos interposées sur les conditions d'un éventuel débat qui leur permettrait d'exposer leur vision pour ce pays en guerre et confronté à de lourdes difficultés économiques.

Distancé au premier tour, le président sortant Petro Porochenko a sommé son rival, qui n'a pas mené de campagne traditionnelle jusqu'à présent, de participer à ce traditionnel face-à-face, espérant mettre au jour le flou de son programme et son manque total d'expérience politique.

Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, l'humoriste et acteur a posé ses conditions, transformant la campagne en feuilleton sur l'organisation de ce rendez-vous. Il a demandé notamment qu'il ait lieu dans le plus grand stade du pays et que les candidats passent des analyses médicales "pour prouver au peuple qu'ils ne sont ni alcooliques ni toxicomanes".

Après avoir accepté de débattre devant les 70.000 spectateurs du stade Olimpiïski, M. Porochenko s'est présenté vendredi matin à l'infirmerie de cette arène.

Les manches de sa chemise blanche retroussées, il a effectué une prise de sang, procédure retransmise en direct sur sa page Facebook, et, selon les médecins, a donné des échantillons d'urine et de cheveux qui seront analysées par quatre cliniques privées et publiques.

"On est en train de créer de nouvelles traditions", a-t-il déclaré. "L'absence de toute dépendance à l'alcool et aux drogues chez un candidat et futur président est une question de sécurité nationale".

Selon les premiers résultats partiels, "aucune substance psychoactive n'a été découverte", a annoncé peu après aux journalistes le médecin en chef d'un des hôpitaux concernés.

- "Ne cherchez pas d'excuses" -

Sommé par le président de passer les tests avec lui, M. Zelensky a préféré une clinique privée appartenant à l'un de ses partisans.

"Ce qui importe, c'est qu'il y a un vrai laboratoire", a-t-il déclaré aux journalistes après avoir passé une prise de sang, également retransmise en direct sur Facebook, promettant de montrer à "tout le monde" les résultats après réception.

Acteur populaire et novice en politique, M. Zelensky a dépassé toutes les prévisions en obtenant plus de 30% des suffrages au premier tour contre 16% pour M. Porochenko, qui a lancé des réformes importantes mais est accusé d'avoir renâclé à lutter contre la corruption.

Pendant la campagne, la comédien a évité les meetings électoraux et préféré se produire sur scène avec sa troupe de stand-up, s'exprimant davantage sur les réseaux sociaux que dans les médias traditionnels.

"N'ayez pas peur: le débat, ce n'est pas effrayant", lui a lancé M. Porochenko dans une nouvelle vidéo. "Ne cherchez pas d'excuses et ne posez pas de conditions (...) Montrez que vous êtes un homme".

Il a rejeté la proposition de M. Zelensky d'inviter l'ex-Première ministre Ioulia Timochenko, ennemi du chef de l'Etat arrivée en troisième position au premier tour, à jouer le rôle d'"arbitre indépendante et d'animatrice" du débat, y voyant un "manque de respect" pour la candidate malheureuse et ses 2,5 millions d'électeurs.

Les conditions posées laissent planer l'incertitude sur la tenue réelle d'un débat. La Commission électorale a en outre fait savoir que le cadre proposé, dans un stade, ne lui permettait pas de rentrer dans le cadre de la loi électorale et devrait être financé par les candidats.

Si les partisans de M. Zelensky voient en lui un nouveau visage dans un paysage politique sclérosé, ces détracteurs critiquent le flou de son programme et doutent de sa capacité à gouverner un pays confronté à la pire crise depuis son indépendance en 1991.

Petro Porochenko doit lui être reçu par la chancelière allemande à Berlin le 12 avril, neuf jours avant le second tour. Le porte-parole d'Angela Merkel a toutefois affirmé qu'il ne s'agissait "bien entendu pas d'une ingérence", ni d'un signe de soutien.

L'arrivée de pro-occidentaux au pouvoir en 2014 a été suivie par l'annexion de la péninsule de Crimée par la Russie et par un conflit armé avec des séparatistes prorusses dans l'est, qui a fait près de 13.000 morts.

"Le débat public porte sur des analyses (médicales) et sur des vidéos et non sur les programmes et promesses", a déploré vendredi un militant anticorruption Vitaly Chabounine sur Facebook.

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