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Un bovin trépané par l'homme il y a plus de 5000 ans

Voulaient-ils soigner ou s'exercer à la chirurgie ? L'étude d'un crâne de bovin percé d'un trou, découvert sur un site néolithique français, montre que la trépanation sur un animal était pratiquée il y a plus de 5000 ans, assurent des chercheurs.

Cela pourrait en faire le premier cas connu de chirurgie vétérinaire, selon une des hypothèses avancées dans une étude parue jeudi dans Scientific Reports.

On savait déjà que l'homme pratiquait la chirurgie crânienne sur d'autres hommes dès la période mésolithique (qui a démarré environ 10000 ans avant Jésus-Christ), selon ces scientifiques.

"En Europe, il y a beaucoup de crânes humains datant du néolithique qui montrent des signes de trépanation. Mais on n'avait encore jamais retrouvé de crâne animal trépané", explique à l'AFP Fernando Ramirez Rozzi, paléoanthropologue dans un laboratoire du CNRS (Centre national de la recherche scientifique).

Le crâne de vache provient du site de Champ Durand, situé en Vendée (ouest de la France) et découvert dans les années 1970.

Occupé par l'homme entre 3400 et 3000 avant Jésus-Christ, ce camp fortifié, entouré de fossés, semble avoir été un centre d'échanges important pour les populations qui commercialisaient le bétail.

L'équipe menée par Fernando Ramirez Rozzi et Alain Froment du Musée de l'Homme a d'abord cherché à démontrer que la vache en question n'avait pas eu le crâne percé par un coup de corne asséné par un autre bovin, ou par une pierre reçue sur la tête.

"Si le trou situé sur un lobe frontal avait été provoqué par un coup de corne ou un autre élément, on devrait voir que l'os était enfoncé vers l'intérieur. Or ce n'est pas du tout le cas", argumente Fernando Ramirez Rozzi.

"En revanche, on trouve autour du trou des marques de grattage qui sont similaires à celles que l'on observe sur des crânes humains trépanés" au néolithique.

Images à l'appui, il estime avoir "montré sans ambiguïté que les crânes de la vache et les crânes humains ont subi la même technique".

Le bovin était-il vivant au moment de la trépanation ? "On ne sait pas trop". "Mais l'os ne s'est pas reformé. Ce qui veut dire que soit la vache était déjà morte, soit elle n'a pas survécu à l'opération".

Les scientifiques ont également vérifié que le trou ne résultait pas de maladies osseuses.

- Datations complétées -

Mais pourquoi des hommes préhistoriques ont-ils trépané un bovin ? Les scientifiques avancent deux hypothèses.

Cela pouvait être pour soigner la vache. "Si cette chirurgie crânienne observée sur la vache a été réalisée pour sauver l'animal, Champ Durand fournit la preuve la plus ancienne d'une pratique chirurgicale vétérinaire", souligne l'étude.

Autre piste: ces hommes cherchaient peut-être à s'exercer sur l'animal avant d'opérer des hommes. "Si la trépanation était utilisée pour s'exercer à des techniques, la vache de Champ Durand fournirait la plus vieille preuve d'une expérimentation sur un animal" dès 4000 avant notre ère, selon l'étude.

Fernando Ramirez Rozzi a tendance à privilégier cette seconde hypothèse. "Je ne vois pas très bien l'intérêt de vouloir sauver un bovin, qui faisait partie d'un gros troupeau. Sauf peut-être si c'était un reproducteur très important".

"Je crois que c'était surtout une pratique que l'on testait sur un animal avant de passer à l'homme".

En revanche, les chercheurs ne croient pas à une trépanation pour des motifs rituels. "Ce crâne a été jeté dans un fossé comme un déchet".

L'équipe travaille depuis plusieurs années sur ce crâne. En 2010, elle avait commencé à communiquer sur ses travaux mais elle avait essuyé des "critiques" concernant la datation des ossements, reconnaît le chercheur.

"Depuis de nouvelles datations des ossements humains et animaux ont été réalisées". "Nous avons à présent 25 datations. C'est costaud", assure-t-il.

pcm/ial/phc

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