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Un traitement inédit pour la Creuse en mauvaise santé

Les habitants de la Creuse sont en mauvaise santé, c'est le diagnostic de territoire réalisé par l’Agence régionale de Santé (ARS) de Nouvelle-Aquitaine, qui vient de lancer pour 2018 un plan sanitaire baptisé "Santé+23", inédit par son ampleur.

"Les chiffres sont préoccupants", commente Michel Laforcade, directeur général de l'ARS. Surpoids, consommation d’alcool et de tabac, taux de suicide supérieur à la moyenne, surmortalité et diagnostics tardifs : tel est le tableau clinique du "patient Creuse".

Avec une économie fortement rurale (12% de l’emploi lié à l'agriculture), la Creuse est le département le moins densément peuplé de Nouvelle-Aquitaine, avec 119.400 habitants dont un sur sept a plus de 75 ans.

Exerçant dans ce territoire rural qu’il ne quitterait pour rien, le Dr Jean-Paul Lamiraud, un généraliste d’une autre époque, "quand le métier était un sacerdoce", croule sous les patients dans son cabinet d'Ahun, bourg de quelque 1.500 habitants, entre Guéret et Aubusson.

"Ce sont des éléments dont nous avions une perception plus ou moins sensible, car le territoire est très hétéroclite et nous avons peu l'occasion de nous voir entre professionnels". De fait, en tant que président du conseil de l’Ordre du département, il se félicite "de ce diagnostic qui nous a permis de faire un pas de côté".

Avec, pour 100.000 habitants, juste 100 généralistes, dont près de la moitié ont plus de 60 ans, et 32 dentistes, "la Creuse est un désert médical", dit-il, loin de la moyenne nationale à respectivement 155 et 64 praticiens.

C’est aussi un territoire à la population vieillissante "où prédomine une certaine culture qui conduit à négliger sa santé", résume Michel Laforcade. A peine 50% des habitantes de la Creuse éligibles participent au dépistage du cancer du sein.

- Alcoolisme rural -

L’ARS a donc décidé de déployer son plan sanitaire "Santé+23", numéro du département.

En 2018, près de 5 millions d’euros seront alloués à la Creuse, soit le doublement des subsides ARS. "C’est l’élargissement de notre assiette financière avec le passage aux grandes régions qui nous permet de venir fortement en soutien aux territoires les plus en difficulté", se félicite le DG de l’ARS.

Santé+23 s’articule autour de cinq axes : prévention, amélioration du parcours santé des patients atteints de cancer, maintien de l’offre de soins, information des jeunes et lutte contre les addictions.

Six animateurs de santé publique et un coordinateur ont été recrutés. "Leur mission est de sensibiliser aux dépistages, à la vaccination, à la prévention... Ils seront également à l’avant-poste pour détecter des situations sensibles", affirme Michel Laforcade.

Olivier Teillier, chef de service à l’ANPAA (Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie) Limousin, bénéficiera directement de deux recrutements. "Enfin !, soupire-t-il, nous allons pouvoir faire face à toutes les demandes".

"Cela fait bien longtemps qu’on n’arrivait plus à répondre sur la Creuse en raison du manque de personnel car les problématiques d'accueil s'y posent en termes différents qu’en ville".

"Ici, précise-t-il, il y a une certaine culture de la convivialité par la consommation d’alcool, typique des zones hyper rurales, une consommation éparse et disséminée dans un territoire éclaté, une consommation qui s'exprime dans les foyers plutôt que dans les lieux publics, et chez les jeunes une alcoolisation liée à une forme de désœuvrement".

Pour les médecins spécialistes, "nous faisons un constat de réalité: il est quasiment impossible de les convaincre de s'installer ici", admet Michel Laforcade. Aussi l'ARS a-t-elle opté pour le renforcement des consultations avancées, lorsque les spécialistes en milieu hospitalier se déplacent et vont vers le patient. Au nombre de 36 actuellement, ces consultations avancées passeront à 56.

L’ARS tentera notamment une consultation psychiatrique par télémédecine, proposée par une psychiatre de Bordeaux. "A notre connaissance c’est encore extrêmement rare dans cette spécialité, pourtant ce genre de pratique est plutôt bien adaptée aux consultations psy, car le patient comme le médecin oublient vite que l’entretien se passe par média interposé ", explique l’ARS.

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