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Violences conjugales: le dépôt de plainte à l'hôpital, pas si facile à mettre en oeuvre

Permettre aux femmes frappées par leur conjoint de déposer plainte à l'hôpital: les modalités concrètes d'une telle mesure restent à définir d'ici fin novembre, mais associations et médecins saluent globalement cette idée annoncée mardi par le gouvernement.

Cette possibilité, déjà expérimentée dans quelques rares lieux de soin, doit être "généralisée" par le biais de "conventions conclues entre tous les commissariats, les gendarmeries et les hôpitaux", avait indiqué mardi le Premier ministre Edouard Philippe, en ouvrant le "Grenelle" contre les violences conjugales.

"Parce que, quand une femme se rend aux urgences pour coups et blessures, c'est déjà suffisamment pénible. Si elle doit retourner chez elle avant de porter plainte, elle retrouvera son conjoint qui risque de la menacer", avait souligné le chef de l'exécutif.

Faire venir les forces de l'ordre à l'hôpital pour enregistrer les plaintes, "sur le principe c'est une très bonne idée, mais j'attends de voir comment ça va être organisé", a dit à l'AFP Anaïs Leleux, du collectif #NousToutes.

"Tout ce qu'on demande, c'est que les policiers soient formés", pour éviter qu'ils ne mettent en doute la parole des victimes, voire refusent de prendre en compte leur plainte - alors qu'ils sont pourtant tenus de le faire", a ajouté Mme Leleux.

"Une bonne idée" également pour François Braun, président de l'association de médecins Samu Urgences de France, mais qui nécessitera sûrement des "adaptations locales", car les modalités pratiques seront différentes suivant que "le commissariat est à côté de l'hôpital ou à plusieurs kilomètres", observe-t-il.

Car il n'est pas question "d'avoir des bureaux de police dans des établissements hospitaliers", a indiqué à l'AFP la Direction générale de la police nationale (DGPN), mais bien de faire en sorte que les policiers puissent se déplacer à la demande.

Il y a toutefois "des conditions particulières pour pouvoir recueillir une plainte", notamment en terme de respect de la confidentialité, et "c'est un peu la difficulté du sujet", a dit à France Info le patron de la DGPN, Eric Morvan.

- "Si tu portes plainte, je te tue" -

Pour la ministre de la Santé Agnès Buzyn, également interrogée sur France Info, "tout cela doit être réfléchi", car il ne faudra pas "transformer des box d'urgence en commissariat de police", ni aboutir à "du travail en plus pour les soignants".

Parmi les expériences déjà mises en place, celle du CHU de Bordeaux, où les policiers se déplacent pour recueillir la plainte dans le cas où un médecin légiste doit être saisi, et à condition que "l'état de santé de la victime, physique ou morale, ne lui permette pas de se rendre dans un commissariat", précise-t-on à la DGPN.

Ou encore celle de la "Maison des femmes" de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), un lieu installé dans l'enceinte de l'hôpital, ouvert aux victimes d'excision et de violences conjugales et sexuelles: des policiers spécialement formés s'y relaient chaque mercredi pour enregistrer les plaintes des victimes.

Pour la fondatrice du lieu, la gynécologue Ghada Hatem, cette solution est préférable à un dépôt de plainte au commissariat, une démarche qui suscite "énormément de freins". "Souvent, la femme a peur, son mari lui a toujours dit +si tu portes plainte, je te tue!+, elle a peur pour ses enfants aussi".

L'important, selon elle, est que le policier soit formé, et que le dépôt de plainte ait lieu dans un cadre rassurant.

Pour le bien de la femme victime, "il n'est pas envisageable de recueillir une plainte dans un couloir des urgences", estime de son côté Christophe Rouget, secrétaire général adjoint du SCSI-CFDT (syndicat des cadres de la sécurité intérieure).

"L'important est d'apporter le meilleur à la victime", souligne le syndicaliste policier, convaincu qu'il vaut mieux parfois lui assurer, sur rendez-vous, un "accueil adéquat dans un commissariat", avec un psychologue et "des gens formés pour bien la recevoir".

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