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A Melles, sur les traces des ours dans les Pyrénées

L'ours Goiat, terreur des troupeaux: "je l'ai croisé, il a pris peur et a filé". A Melles, théâtre de la première réintroduction d'ours en France en 1996, on piste l'animal plutôt que de le fuir ou s'en protéger.

Michaël Rumeau, cantonnier à 37 ans de ce village pyrénéen de Haute-Garonne, avoue pourtant avoir eu "la peur de sa vie" en 2007.

Il avait alors surpris en forêt une femelle accompagnée de deux petits, le cas de figure le plus sensible au vu de l'agressivité dont peuvent faire preuve les mères pour protéger leur progéniture.

Rare, la mésaventure n'est pas exceptionnelle: un randonneur a affirmé en avoir été victime la semaine dernière en Ariège.

De quoi attiser, même s'il s'en est sorti sain et sauf, le conflit qui fait rage depuis des années entre pro et anti ours. La réintroduction de deux femelles dans le Béarn avait déjà fait monter d'un cran la colère des éleveurs en 2018.

Revenu de sa première frayeur, M. Rumeau a entretemps choisi son camp par "fascination" pour les ours, dont il cite volontiers les noms, comme de vieilles connaissances.

- "Si humains" -

"C'est une bête magnifique, très agile malgré sa masse, et avec des attitudes si humaines. Il faut les voir s'assoir, ou saisir une branche pour manger. Et la règle est qu'ils évitent l'homme".

Ce chasseur fait partie du "réseau ours brun" (ROB) fédérant quelque 400 bénévoles pour assister l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) dans le suivi de cette population.

Repartie à la hausse depuis 1996 -- il ne restait alors que cinq ours pyrénéens-- elle reste menacée, avec 40 spécimens officiellement décomptés en 2018, un chiffre qui pourrait être sous-évalué.

L'inquiétude des pro-ours porte notamment sur le taux élevé de consanguinité, explique l'animateur nature Adrien Dérousseau, qui a intégré le réseau par convictions écologistes.

La plupart des spécimens actuels descendent du désormais défunt mâle Pyros. En comptant cet ancêtre, 11 ours ont à ce jour été réintroduits dans le massif, tous venus de Slovénie, où leurs congénères se comptent par centaines, dans un environnement compatible avec le biotope pyrénéen.

Pour le compte de l'association Pays de l'ours, M. Dérousseau initie des randonneurs aux techniques de suivi au départ de Melles. Le village est l'un des quatre de la région à avoir fondé la structure, pour doper leur développement touristique.

Recherche d'empreintes, d'excréments et de poils, relevé des appareils de prises de vue disséminés sur les parcours des ours: malgré la rigueur des procédures, dans une forêt dense et sur des sentiers escarpés, aucun passage n'est cette fois détecté.

Les participants se consolent avec des images d'archives montrant une ourse se grattant longuement ventre et dos contre un arbre.

L'observation menée par le ROB aide l'ONCFS à suivre l'évolution de la réimplantation, mais aussi à en amortir les conséquences pour le pastoralisme.

L'enjeu est notamment "d'établir un climat de confiance avec les éleveurs grâce à une information soutenue sur les activités des plantigrades" souligne Jean-Jacques Camarra, responsable à l'ONCFS pour les Pyrénées-Atlantiques. Une tâche "de longue haleine", relève-t-il.

- Tentation du "fast-food" -

Dans l'immédiat, les éleveurs viennent d'obtenir du gouvernement un arrêt des réintroductions.

Implanté côté espagnol en 2016, Goiat est lui dans le collimateur des autorités des deux côtés de la frontière, pour un comportement "anormalement prédateur".

Le dernier "plan ours" présenté début juin prévoit aussi une signalisation renforcée et des mesures "d'effarouchement" des spécimens trop gourmands de brebis. Pour les associations de défense de l'animal, cet encadrement va trop loin.

S'il juge aussi le dispositif public disproportionné, M. Rumeau convient que "les bergers doivent pouvoir se défendre".

"L'ours est un animal opportuniste, qui saisit toutes les occasions qui se présentent, alors il faut le remettre à sa place", prône-t-il. "Surtout en Ariège où avec les estives, pour eux c'est le fast-food".

Mais pour Pascale Fourquet, une des cinq éleveurs du village, cohabiter avec l'animal comme le prônent ses voisins n'a aucun sens. "Si l'ours avait disparu, c'est qu'il gênait, son retour n'apporte rien", peste-t-elle. "Mais ici nous sommes une minorité et personne ne nous écoute".

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