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A Paris, un projet immobilier permet à des religieuses de rester dans leurs murs

Pour conserver le site d'un ancien orphelinat parisien, des religieuses se sont lancées dans une opération immobilière mêlant logements sociaux et appartements de luxe: une réponse originale à un problème qui se pose à des communautés aux effectifs en baisse et vieillissants.

Une fois passée la porte de la Maison Saint-Charles, le vacarme de la rue de Vaugirard prend fin. Dans ce havre de paix au cœur du XVe arrondissement de la capitale, qui a abrité un orphelinat puis une école primaire et son internat, vivaient récemment encore 27 sœurs dominicaines de la Charité.

"Elles étaient très âgées, 85 ans en moyenne et les lieux étaient devenus très vétustes, malgré quelques travaux que nous avions faits", explique à l'AFP sœur Véronique Margron, responsable pour la France de la congrégation des sœurs de charité dominicaines de la Présentation, propriétaire des lieux depuis 1872.

"La question s'est posée de ce que nous allions faire de cet endroit", poursuit-elle. "Le souci de la congrégation était de ne pas se séparer d'un site chargé de toute une histoire d'engagement, de solidarité".

Faute de vocations suffisantes dans un pays très sécularisé, les effectifs des religieux et religieuses, moines et moniales en France ont épousé une courbe fortement déclinante, passant de plus de 60.000 en 1998 à moins de 30.000 aujourd'hui. Près de quatre religieux sur cinq sont des femmes, souvent très âgées.

Or ces communautés doivent souvent gérer un patrimoine immobilier démesuré, agrandi au fil des siècles, au temps des vocations nombreuses. "Nous travaillons fréquemment avec des congrégations pour imaginer des solutions de continuité" pour les lieux dont elles sont propriétaires, explique le père Bernard Devert, fondateur de l'association Habitat et Humanisme, associé au projet de la nouvelle Maison Saint-Charles.

Ces lieux "deviennent souvent des maisons de retraite médicalisées Ehpad, ou des lieux intergénérationnels, qui permettent aux sœurs d'entrer dans une dynamique sociale et sont un terrain d'expérimentation pour quelque chose qui a vocation à s'étendre dans la société", dit-il.

Autre solution: céder les lieux à une communauté dite nouvelle, aux effectifs plus jeunes et plus dynamiques. Ainsi, le Chemin Neuf, issu du Renouveau charismatique, a repris plusieurs abbayes bénédictines en permettant aux moines d'y rester, au moins à titre provisoire, comme c'est le cas à La Meilleraye-de-Bretagne (Loire-Atlantique).

- "Lieu de brassage" -

Pour éviter de partir, les religieuses de la Maison Saint-Charles ont lancé une opération immobilière mêlant deux projets très différents qui seront livrés à l'été 2020: d'un côté une maison sociale intergénérationnelle et de l'autre, sur une parcelle de terrain cédée au promoteur Vinci immobilier, un programme d'appartements de luxe.

La chapelle du XIXe siècle sera restaurée, et une "nouvelle Maison Saint-Charles" verra le jour, conçue par l'agence h2O Architectes.

Elle accueillera "des familles monoparentales en situation précaire, des personnes très modestes qui ont d'extrêmes difficultés à se loger à Paris, des jeunes travailleurs, des étudiants, des gens de passage", précise sœur Véronique Margron.

"Nous voulions que ce lieu reste un lieu de brassage des gens, des âges, des sensibilités, des histoires, qu'il perpétue le vivre-ensemble", dit-elle.

Le bailleur social France Habitation apportera les fonds et mènera à bien ce projet social, dont l'association Habitat et Humanisme, dédiée au logement des personnes en difficulté, assurera la gestion pendant 42 ans. En 2062, la congrégation redeviendra propriétaire des murs.

Sur les 45 logements sociaux à bas loyers, 20 seront réservés aux sœurs, dix accueilleront des familles monoparentales et les 15 restants seront réservés à des jeunes travailleurs et des étudiants. S'y ajoutent deux appartements en colocation et 15 chambres d'hôtes.

Mais 37 logements neufs haut de gamme, donnant sur un jardin, verront aussi le jour, du studio au cinq-pièces de 203 m2, vendus entre 14.000 et 19.000 euros le m2 et déjà pré-commercialisés à 25%, dont les futurs occupants "se sont montrés intéressés" par la vocation sociale du projet, assure Vinci Immobilier.

A l'issue d'une concertation de deux ans avec les riverains, le promoteur a toutefois dû consentir à réduire de 40% le nombre de logements privés et à planter davantage d'arbres dans les jardins.

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