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A Strasbourg, la révolution verte est en marche

Géothermie profonde, biomasse, pompes à chaleur, hydro-électricité: l'Eurométropole de Strasbourg prépare sa révolution verte et multiplie les chantiers pour préparer un futur post-pétrole et post-Fessenheim, avec 100% d'énergies renouvelables en 2050 comme objectif.

A Reichstett, à quelques kilomètres au nord de Strasbourg, le site de l'ancienne raffinerie de pétrole fermée en 2011 est en pleine mutation: un "rig" (plate-forme) muni d'un puissant bras sur vérins hydrauliques, construit un forage de géothermie profonde, chargé de capter à 4.680 m, l'eau de la nappe phréatique à 220°C, la plus chaude de France à cette profondeur.

Sur le chantier de l'aquitain Fonroche, jusqu'à 50 opérateurs travaillent sur cette machine qui, dans un mouvement de va-et-vient et un bruit sourd, creuse et enfonce jour et nuit, dans la croûte terrestre les tubes en acier pour former le puits de géothermie.

"Le premier forage va chercher l'eau chaude. L'eau passe ensuite dans un échangeur qui va former la thermie, avant de repartir dans un deuxième forage. Rien ne sort en surface", explique Jean-Philippe Soulé, directeur général de Fonroche Géothermie à la presse.

Le projet, l'un des plus importants chantiers de ce type en Europe continentale, sera terminé en 2019.

Il alimentera à terme le réseau d'eau chaude et de chauffages de la métropole alsacienne: établissements publics, maisons de retraite, écoles, hôpitaux et un tiers des 65.000 logements du parc HLM.

"On calcule pour que l'éloignement entre les deux forages donne 50 ans d'exploitation, pour une perte de température de l'eau de 3°C", précise M. Soulé.

Dans ce paysage désertique, balayé par les rafales de poussières de sable, on aperçoit au loin au milieu des vastes cuves d'hydrocarbures, la tour circulaire à bandes blanches et rouges de l'ancien brûleur de la raffinerie.

La collectivité a choisi de conserver cette friche où nichent aujourd'hui des rapaces.

Le chantier terminé, le rig de Reichstett sera démonté pour opérer sur deux autres futurs chantiers de géothermie, à Illkirch-Graffenstaden et Eckbolsheim.

Il ne restera alors plus qu'un échangeur de chaleur, une installation "à peine plus grande qu'une boîte à chaussures", se réjouit Alain Jund (EELV), adjoint en charge de la Transition énergétique.

- Autonomie énergétique -

Avec trois chantiers de géothermie, une centrale de biomasse générant du biométhane réinjecté dans le réseau de gaz, une centrale hydro-électrique sur le Rhin, l'Eurométropole (33 communes, 500.000 habitants), vise l'autonomie énergétique d'ici 32 ans.

Elle y voit un "objectif réaliste" qui lui permettra de concrétiser "localement" l'Accord de Paris fin 2015 sur la lutte contre le changement climatique. Cet accord prévoit de diviser par deux la consommation d'énergie d'ici 2050 à l'échelle mondiale.

En France, "l'importation d'énergie, c'est aujourd'hui plus de 61 milliards d'euros. Nous ne pouvons pas continuer à nous reposer sur les autres, acheter du gaz russe ou du pétrole des +démocraties+ du Golfe (...) L'Eurométropole doit préparer l'après-pétrole et engager l'après-Fessenheim", souligne Alain Jund.

En mai, EDF a annoncé qu'un possible nouveau retard de quelques mois de l'EPR de Flamanville pourrait repousser la fermeture de Fessenheim à l'été 2019.

En plus de ses 400 pompes à chaleur déjà opérationnelles, Strasbourg veut se doter de centrales thermiques à base de déchets de bois et d'un "projet de méthanisation" pour ses 20.000 t de déchets verts.

Pour l'énergie photovoltaïque, encore timide, un cadastre devra "définir le potentiel solaire sur l'agglomération".

"Qu'une métropole comme Strasbourg se lance, c'est une très bonne chose. C'est certain que ça marchera. Mais ce n'est qu'un bout du chemin, il ne faudra pas oublier d'aller plus loin", souligne Marc Jedliczka, porte-parole de l'Association négaWatt, un réseau d'experts, ingénieurs et juristes.

La "sobriété" en terme de consommation et "l'efficacité" énergétique (l'isolation, le rendement des équipements), représentent "la moitié du chemin" et "l'autre moitié, c'est la production", souligne l'association.

Comme Strasbourg, de plus en plus de métropoles ont amorcé leur transition énergétique, observe négaWatt.

L'association accompagne celle de Lyon dans des "programmes européens d'échanges de méthodologies" avec les villes du nord de l'Europe, Copenhague, Amsterdam, Hambourg, et Vienne.

"On a vu que ces villes sont très avancées en terme d'approches", souligne M. Jedlinczka.

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