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A Strasbourg, une plateforme web pour éviter le surendettement

"Il faut qu'on réussisse !" Le président de la fédération Crésus, Jean-Louis Kiehl, en est persuadé: apprendre à gérer ses finances personnelles doit désormais passer par le numérique, et en premier lieu par une plateforme web ambitieuse en cours de développement à Strasbourg.

Dans le centre de la capitale alsacienne, c'est au "lab Crésus", nouvel incubateur flambant neuf pour start-up de l'économie sociale et solidaire, qu'est développé depuis six mois "Budget à grande vitesse" (BGV), premier service web mis au point par Crésus, un organisme à but non lucratif de prévention du surendettement.

Sur ordinateur ou sur smartphone, BGV pourra analyser la situation financière de l'utilisateur et proposer des améliorations, explique Magomed Souleymanov, chargé de l'innovation numérique au Crésus.

Profitant de nombreux partenariats du fait de son caractère à but non lucratif, Crésus (acronyme de Chambre régionale du surendettement social), association basée à Strasbourg, ambitionne de lancer BGV en septembre en test et vise dans un premier temps 200.000 utilisateurs, puis plusieurs millions.

A la différence d'un agrégateur bancaire qui met seulement en regard les différents comptes bancaires d'une personne, BGV va se concentrer non sur le solde, mais sur le "reste à vivre", c'est-à-dire l'argent réellement disponible une fois toutes les charges et dépenses obligatoires payées. En fonction de la situation de chacun, le programme proposera des améliorations pour atteindre un "budget idéal".

Véritable nounou financière, BGV doit aussi vous prévenir si vous avez droit à des aides et faciliter les démarches pour les demander, avec des formulaires préremplis, vous alerter en cas de mouvements inhabituels sur vos comptes, détecter la souscription de plusieurs assurances couvrant la même chose, ou simuler, avant de prendre un crédit, son impact dans le temps sur votre situation financière.

- Vision en temps réel de son budget -

L'outil, gratuit et sans pub, a mis la barre haut: "Réduire d'un tiers le nombre de dossiers de surendettement déposés entre 2018 et 2022", avance Jean-Louis Kiehl. En 2017, il y en a eu plus de 181.000 en France.

Le coût de BGV, estimé à 9,45 millions d'euros jusqu'en 2022, est d'ores et déjà financé par des dons, à hauteur de 1,35 million d'euros pour 2018. Pour la suite, quatre millions d'euros supplémentaires sont garantis via trente partenariats financiers.

Ce "web service" va avoir recours à la technique du "blockchain", permettant que les données personnelles soient toujours partielles et codées, ainsi qu'à l'intelligence artificielle pour repérer parmi les milliers de dossiers de surendettement accompagnés par le réseau d'associations Crésus des solutions correspondant le mieux au profil de l'utilisateur de BGV.

Cette base de données et cette expérience accumulées depuis des années par Crésus dans la lutte contre le surendettement notamment distinguent le projet BGV de ceux d'autres jeunes sociétés innovantes de la finance, dites "fintechs", considère Maxime Pekkip, chargé de mission au Crésus.

Si BGV se veut un programme complet d'accompagnement à la gestion budgétaire, d'autres applications ont récemment vu le jour sur le même créneau, comme "Piloter son budget", portée par SOS Familles Emmaüs et sans accès aux données bancaires, ou "Fastoch€", application à un euro par mois éditée par une filiale de Veolia.

"Pendant longtemps, les acteurs traditionnels (du secteur bancaire) ne se posaient pas la question de répondre aux besoins des publics en difficulté", mais désormais "on voit une amélioration" grâce aux nouveaux services de fintech, estime Hugues Le Bret, cofondateur de Compte-Nickel, une fintech rachetée en 2017 par BNP Paribas, qui propose l'ouverture rapide d'un compte bancaire chez des buralistes sans autoriser ni crédit ni découvert.

Mécène de BGV mais aussi partenaire de "Piloter son budget", la Banque postale considère que le numérique "peut aider et accélérer l'inclusion bancaire" des gens en difficultés financières, explique Mouna Aoun, responsable des clientèles fragiles à la Banque postale.

"Le numérique permet d'avoir une vision en temps réel de son budget, au moment où le client en a besoin. Avant, on passait par le papier, (...) pour avoir la position de son compte, il fallait se rendre au guichet, demander un reçu. On était moins autonome et un peu plus aveugle", considère Mouna Aoun.

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