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Alcoolisme: l'avenir du baclofène va se jouer dans les mois qui viennent

Une période décisive pour le baclofène va s'ouvrir vendredi avec une première audience au Conseil d'État sur son utilisation contre l'alcoolisme, quelques mois avant la décision de l'autoriser ou non à titre permanent.

Présenté par ses partisans comme un remède miracle contre l'alcoolisme, ce médicament est au centre d'une controverse qui arrive devant la justice. Le Conseil d'État va se pencher sur la requête d'une patiente qui conteste l'interdiction de le prescrire à haute dose, prononcée par l'Agence du médicament (ANSM) fin juillet.

A cause de cette décision, "il y a de plus en plus de gens qui rechutent tous les jours. Une catastrophe sanitaire est en cours, je pense que le Conseil d'État va en prendre la mesure", assure à l'AFP Thomas Maës-Martin, époux de la patiente qui a saisi le Conseil d'État le 25 janvier.

M. Maës-Martin est le fondateur du collectif Baclohelp, créé dans la foulée d'une pétition en ligne lancée fin juillet et intitulée "Le baclofène sauve des vies, sauvons le baclofène". Elle est passée de 9.500 signataires début février à 34.000 désormais.

L'épouse de M. Maës-Martin a déposé deux recours. Celui qui est examiné vendredi est un référé, qui demande la suspension de la décision de l'ANSM en urgence. La décision du Conseil d'État devrait être mise en délibéré.

Le deuxième recours, sur le fond celui-là, sera ensuite étudié à une date encore inconnue.

Le baclofène, prescrit comme relaxant musculaire dans les cas de sclérose en plaques, est autorisé depuis 2014 pour traiter la dépendance à l'alcool, dans le cadre d'une recommandation temporaire d'utilisation (RTU).

En juillet dernier, l'ANSM a abaissé la dose maximale autorisée, à 80 mg par jour contre 300 auparavant, en s'appuyant sur une étude conduite par l'Assurance maladie. Cette dernière conclut que le baclofène à fortes doses (plus de 180 mg par jour) fait plus que doubler le risque de décès par rapport aux autres médicaments contre l'alcoolisme, et accroît de 50% le risque d'hospitalisation.

La décision de l'ANSM a été critiquée par plusieurs spécialistes, qui dénoncent un manque de concertation, un risque de rechute pour les alcooliques traités par baclofène et contestent la validité même de l'étude.

- 'Gueule de bois' -

Parallèlement, l'ANSM étudie une demande d'autorisation de mise sur le marché (AMM) du baclofène visant spécifiquement le traitement de l'alcoolisme déposée par le laboratoire Ethypharm en avril 2017.

"La décision interviendra au plus tôt avant l'été, au plus tard à la rentrée", a indiqué mardi le directeur général de l'ANSM, Dominique Martin.

"Nous allons renouveler l'autorisation temporaire pour un an supplémentaire (jusqu'à mars 2019, ndlr) de façon à pouvoir terminer la procédure d'instruction de l'AMM", a-t-il précisé.

"A notre connaissance il n'existe aucune autre demande d'AMM au monde du baclofène pour l'alcoolo-dépendance", a ajouté M. Martin, selon qui il y a "actuellement un peu moins de 100.000 patients sous baclofène" en France.

Selon lui, sur 23 pays européens interrogés par l'ANSM, seuls cinq, dont les Pays-Bas, "disent avoir connaissance de l'utilisation du baclofène dans le cadre de l'alcoolo-dépendance", pour un nombre minime de patients.

La popularité du baclofène a explosé en France avec la parution en 2008 du livre "Le dernier verre" d'Olivier Ameisen. Ce cardiologue, décédé depuis, racontait que ce médicament avait supprimé son envie de boire.

"Le baclofène a des effets parfois spectaculaires chez certains patients mais présente également des risques. La question est de savoir si cela justifie une AMM ou pas", a déclaré Dominique Martin.

"On ne peut pas se prononcer uniquement sur des cas individuels, il faut faire une analyse bénéfice/risque selon des méthodes extrêmement classiques", a-t-il dit. "Ce sera totalement transparent, tous les points de vue pourront s'exprimer".

"Il faut regarder les choses de manière rationnelle, il n'y a aucun médicament miracle", a-t-il insisté. "Si on laisse faire n'importe quoi sans encadrement, on risque de se réveiller un jour avec la gueule de bois si effectivement il y a une surmortalité importante".

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