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Alexis Kohler, premier de cordée de l'Elysée sous Emmanuel Macron

Alexis Kohler, soupçonné de conflit d'intérêts avec l'armateur MSC, est depuis 2014 l'inamovible premier collaborateur d'Emmanuel Macron, secrétaire général de l’Élysée depuis 2017 où ce haut fonctionnaire pèse sur toutes les grandes décisions, agaçant parfois la majorité, mais restant toujours dans l'ombre du patron.

Dans la prestigieuse liste des secrétaires généraux de la présidence sous la Ve République, seuls deux prédécesseurs ont duré plus longtemps auprès de leur président que cet énarque alsacien de 50 ans: Dominique de Villepin, sept ans sous Jacques Chirac, et Jean-Louis Bianco, neuf ans sous François Mitterrand.

Mais Alexis Kohler est le seul à avoir accompli tout un mandat présidentiel. Mieux: il a été maintenu en poste après la réélection d'Emmanuel Macron. A telle enseigne que depuis l'irruption en politique du patron, à Bercy en 2014, il est difficile d'imaginer l'un sans l'autre.

La question de son maintien à l’Élysée après la présidentielle avait pourtant été âprement débattue au printemps. Mais ceux qui l'imaginaient à la tête d'un grand ministère en ont été pour leurs frais. Et ceux qui prétendent contrecarrer son influence auprès du chef de l’État ne sont pas encore au bout de leurs peines.

Ainsi de la réforme des retraites, principale mesure du programme de réélection. "Kohler a quasiment mis sa tête sur le billot... Il est névrotique sur la question", explique un député Renaissance. "Tous ces gens pensent que la démocratie ne sert à rien", maugrée un important responsable de la majorité.

Avant la réélection, un autre poids lourd de la Macronie ironisait sur le "confiné zéro" du château, "entré à l’Élysée en mai 2017 et jamais ressorti depuis", souvent érigé en symbole de la mainmise de la technocratie, celle qui couperait le président des réalités du pays.

Les rares fois où son nom a été cité dans les médias sont liées aux remaniements importants - le secrétaire général ayant la tâche d'annoncer les noms des ministres sur le perron de l’Élysée - et à l'affaire MSC.

Après des articles du site Mediapart, une information judiciaire avait été ouverte en juin 2020 sur ses liens familiaux et professionnels avec MSC, un armateur italo-suisse, fondé et dirigé par les cousins de sa mère, la famille Aponte. Elle a débouché sur une mise en examen le 23 septembre.

Selon des éléments de son interrogatoire dont l'AFP a eu connaissance, il est soupçonné d'avoir "participé" en tant que haut fonctionnaire à des décisions relatives à l'armateur. Lui assure n'avoir "jamais considéré être en situation de conflit d'intérêt".

- Garde-barrière -

Admiré pour son ardeur à la tâche, son "intelligence et sa capacité d'analyse", M. Kohler cultive une réputation ambivalente.

D'un côté, le secrétaire général a été depuis 2017 le garde-fou de mesures élaborées parfois à l'emporte-pièce face aux fulgurances d'un chef de l'Etat parfois aussi transgressif qu'insoucieux de leur mise en oeuvre.

De l'autre, il est le garde-barrière, celui qui, depuis son bureau attenant, filtre l'accès à celui du président - ce qui lui vaut des inimitiés parmi les conseillers. Il arbitre parfois au nom du patron, quitte à être vu par un familier du Palais comme "le castrateur en chef".

A cela s'ajoute cette indécollable image technocratique, qui a culminé lors de la crise des "gilets jaunes" que le secrétaire général, selon ses détracteurs, n'aurait pas vu venir.

S'il puise des "racines intellectuelles dans le rocardisme", Alexis Kohler n'admet aucune autre "matrice idéologique que celle du président": "Il faut que chacun soit à sa place", dit-il en privé.

Une influence silencieuse, qu'il aime étendre aux "cuisines" des décisions rendues, en empruntant, avec son humour pince-sans-rire, cette citation à Otto von Bismarck: "Les lois c'est comme les saucisses, il vaut mieux ne pas être là quand elles sont faites".

En retrait donc, ce qui ne l'empêche pas d'éviter les ennuis: son avenir pourrait dépendre de deux procédures en cours: outre celle portant sur MSC, il est visé par une enquête du Parquet national financier en juin 2021 pour des soupçons de "trafic d'influence" autour de la fusion Veolia-Suez.

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