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Andorre au ralenti, pour sa première grève depuis 85 ans

Andorre connaît sa première grève depuis 85 ans: plusieurs centaines de fonctionnaires ont défilé vendredi à travers la principauté pour protester contre une réforme de la fonction publique, une mobilisation exceptionnelle dans un pays qui n'a pas la culture de la protestation.

Au deuxième jour de grève dans le secteur public, 600 à 700 fonctionnaires, selon les syndicats, sur près des 3.000 que compte la principauté, ont défilé vendredi matin dans la capitale, Andorre-la-Vieille, puis jusqu'à Sant-Julia-de-Loria, où ils ont bloqué par intermittence la frontière hispano-andorrane, au son des sifflets et des tambourins, a constaté l'AFP.

Simultanément, et dès 07H00 du matin, les douaniers ont procédé, comme ils l'avaient fait jeudi, à une grève du zèle, fouillant systématiquement les camions aux frontières avec la France et l'Espagne et provoquant des ralentissements, alors que flottaient des banderoles proclamant en catalan "ça suffit les abus".

Cette mobilisation intervient alors que le ministre français des Comptes Publics, Gérald Darmanin, était en visite en Andorre pour évoquer la coopération bilatérale dans la lutte contre la contrebande.

Connue pour ses banques, ses stations de ski et ses cigarettes et alcools détaxés, la principauté traverse son premier mouvement social depuis 1933. A l'époque, les ouvriers andorrans construisant une importante centrale électrique avaient fait grève pour réclamer des hausses de salaire et la réduction de leur temps de travail, ce qui avait déclenché de violentes manifestations en faveur de la démocratisation du pays.

Cette fois, 85 ans plus tard, les fonctionnaires tous secteurs confondus se mobilisent contre un projet de loi de réorganisation de la fonction publique, présentée par le gouvernement comme "une avancée dans les conditions de travail" pour ce micro-État de 75.000 habitants.

"Il ne s'agit pas de supprimer le statut de fonctionnaire avec un emploi à vie mais d'introduire un système de rémunération au mérite avec des indicateurs de performance et d'efficacité", a déclaré la ministre de la Fonction publique Eva Descarrega, à un correspondant de l'AFP.

Elle a précisé que la prime d'ancienneté à partir de trois ans serait ainsi modifiée pour "introduire une prime de productivité tous les deux ans et une prime de carrière".

Les syndicats considèrent que le mouvement va au-delà d'une protestation contre la loi sur la fonction publique mais s'inscrit dans une opposition à une vague de réformes "qui vont changer la société", a déclaré à l'AFP Jean-Pascal Guil, membre du comité exécutif du syndicat de l'enseignement.

- Amertume et méfiance -

"On vient de fêter 25 ans de constitution", a-t-il rappelé. Or, "depuis 25 ans, ce pays s'est développé (...) et beaucoup de ceux qui manifestent aujourd'hui ont construit ce pays avec beaucoup d'abnégation", a ajouté M. Guil.

Dans la principauté indépendante, dont les co-princes sont le président de la République française et l'évêque d'Urgell en Catalogne (Espagne), les gens ont fait des "sacrifices" avec un "gel complet des salaires" pendant 10 ans pour "le bien de l’État", a-t-il estimé.

Pour lui, "il y a beaucoup d'amertume" dans un pays qui "n'a pas la culture de la protestation". "L'ampleur du mouvement montre le degré de la méfiance vis-à-vis de ces réformes et des promesses qui n'ont pas abouti".

En fin de matinée, les manifestants ont déposé un recours contre le décret instaurant un service minimum, qu'ils jugent "abusif". Le gouvernement avait publié mardi ce décret extraordinaire afin de "garantir des services minimums durant les journées de grève".

Concrètement, les services accueillant du public ont ouvert jeudi et vendredi ainsi que toutes les écoles, même si vendredi, 70% des enseignants soutenaient la grève, indique-t-on de source syndicale.

Jeudi, selon le gouvernement, sur un total de 2.100 salariés de l'administration générale pouvant exercer leur droit de grève, 29% ont fait grève, dont 79% d'enseignants.

Les négociations vont se poursuivre au parlement, a promis la ministre de la Fonction publique. Mais il y a "des demandes" des syndicats qui ne pourront "pas être acceptées", estime le chef du gouvernement, Antoni Martí. Comme la semaine de 35 heures réclamée pour l'administration hors éducation, police et services pénitentiaires.

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