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Antilles: "On en a assez!" s'insurgent les Martiniquais

Carcasses de voiture et débris au sol témoignent encore des violences qui ont embrasé dans la nuit le quartier de Sainte-Thérèse en Martinique, où les habitants n'en peuvent plus. Plus loin, des syndicalistes affichent leur fermeté en "bloquant "le pays".

Evelyne, éducatrice spécialisée, en a "assez". Installée depuis 4h00 du matin mercredi au barrage du rond point du stade Dillon, elle ne décolère pas. "Ça fait deux mois que le mouvement a commencé, là on a changé de méthode: nous bloquons le pays".

Elle est présente avec une vingtaine de sympathisants - dont la plupart porte le tee-shirt rouge syndical - sur ce rond point très stratégique car il mène au port de commerce de l'île. Une dizaine de camions se dressent en un rempart infranchissable. Quelques automobilistes tentent de plaider leur cause pour passer outre le barrage.

Un jeune homme en scooter est excédé. Il descend de son deux-roues pour déplacer une palette au sol l'empêchant de poursuivre son chemin. La tension monte d'un cran, mais le jeune homme finit par tracer sa route, laissant les manifestants mécontents.

Evelyne, qui préfère ne pas donner son nom comme la quasi totalité des Martiniquais interrogés, regrette l'attitude du motocycliste mais reste confiante sur le mouvement de contestations auquel elle adhère.

"C'en est assez qu'à 8.000 kilomètres d'ici on décide de ce qu'on fait chez nous. On a le droit de dire non, on en a assez ! On est confinés depuis 2020, et depuis tout ce temps, il y a le couvre-feu chez nous. Et puis qui veut se pique !", lance l'éducatrice, en grève pour la troisième journée.

- Vandalisme -

Lundi, l'intersyndicale a lancé un mouvement de grève générale en Martinique notamment pour protester contre l'obligation vaccinale. Mardi soir, elle décidait de lever les barrages pour éviter un emballement des violences. Mais mercredi matin, les points de blocages se multipliaient.

La levée des barrages, "c'était seulement pour hier soir (mardi)", justifie Evelyne.

Des violences ont bien eu lieu dans la nuit de mardi à mercredi. Des voitures incendiées, des boutiques pillées, des affrontements très violents avec les forces de l'ordre. Sept policiers et cinq gendarmes ont été légèrement blessés, selon la préfecture.

Sur le boulevard Maurice Bishop transformé en champ de bataille, des nombreux réservoirs de gaz lacrymogènes et des dizaines de balles de flash-ball jonchent le sol. Des barricades fument encore et des employés retirent les carcasses de voiture, sous le regard d'une femme entrepreneur, venue s'assurer que son bureau n'a pas été vandalisé.

Elle ne souhaite pas témoigner. "On m'a menacée, nous les patrons, on est mal vus".

Cette femme n'a eu aucun dégât à déplorer alors qu'à quelques centaines de mètres, une station-essence a été vandalisée.

"Ils ont pris des cigarettes et de l’alcool. On s’attendait à ça. Ils se sont acharnés sur la vitre, ça s’est fait au petit matin, ils étaient nombreux", raconte l'agent de la station-service Mickael, un certain fatalisme dans la voix.

- "Science-fiction" -

"Ils", ce sont de "jeunes délinquants" pour Hugues, un retraité qui habite à deux pas de là.

"On est en train de tout mélanger, un mouvement syndical qui a l’air bien organisé, et derrière de la délinquance qui profite de ces mouvements pour semer cette panique. Ça risque de dégénérer par rapport à cette situation de délinquance", souligne cet ancien employé des pompes funèbres, qui s'attend à une escalade de la violence.

"Je suis passé ce matin, c’est vraiment Bagdad, avec des voitures brûlées dans tous les sens, qui fument encore. On a l’impression d’être dans un film de science-fiction", déclare-t-il.

Tous ont envie de croire que les choses vont s'apaiser, à l'approche des fêtes de Noël, très chères aux cœur des Martiniquais.

Responsable dans un espace de restauration, cette femme de 33 ans, et maman d'un petit garçon, a vu la fréquentation de son commerce baisser depuis lundi. Et bien qu'elle ait "peur de se faire vandaliser et agresser", elle continue à ouvrir sa boutique tous les jours, pour elle et ses six employées.

"Je m'interdis de rester chez moi", dit-elle, craignant que ça dégénère. "Si c'est l'indépendance qu'ils cherchent, ils vont l'avoir. Mais à quel prix ?! Ça va devenir dangereux".

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