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Après les salmonelles, Lactalis va tenter de relancer ses marques Milumel et Picot

Après la crise des salmonelles, dont il évalue le coût à "plusieurs centaines de millions d'euros", l'industriel du lait Lactalis s'apprête à relancer ses marques infantiles Milumel et Picot, mais peine à répondre aux inquiétudes des éleveurs français qui l'approvisionnent.

Face à ce qu'il décrit comme "la plus grande crise" de sa vie de dirigeant, le PDG Emmanuel Besnier, qui n'accordait jusque-là jamais d'interview, est sorti jeudi de sa tour d'ivoire pour la deuxième fois depuis l'arrêt total de ses chaînes de produits infantiles à Craon en Mayenne, et le rappel, le 8 décembre, de tout ce qui était sorti du site depuis le 15 février.

Au total, le coût de la crise s'élèvera à "plusieurs centaines de millions d'euros" pour le groupe, a-t-il indiqué dans Les Echos.

L'industriel aux milles marques lactées (Président, Lactel, Bridel, Lanquetot, Galbani...) a aussi annoncé vouloir "fermer définitivement" la tour de séchage numéro 1 du site de Craon, empoisonnée par les salmonelles. Les bactéries sont en effet restées "confinées dans les infrastructures" du bâtiment pendant douze ans, depuis un premier incident en 2005.

Lactalis compte en revanche redémarrer sa deuxième tour "au premier semestre", et travaille "en parallèle" sur "un projet de construction d'une nouvelle installation", selon son PDG.

Le plan de redémarrage de la tour 2 a été présenté "mercredi soir aux représentants du personnel": il s'est engagé à n'avoir "aucune suppression de poste" et à "offrir un programme de mobilité" aux salariés, qui pourraient être relocalisés dans les "sept autres sites de production" du groupe situés "dans un rayon de 50 kilomètres" autour de Craon.

Les craintes apparaissent surtout chez les producteurs de lait, "d'autant qu'il y a une politique de réduction des volumes collectés en France depuis un certain temps", note Ghislain de Viron, producteur pour l'usine d'Emmental de Charchigné (Mayenne), inquiet également pour le "niveau des rémunérations".

"En moyenne, ils diminuent leurs volumes de 2,5% en France chaque année, ce qui veut dire qu'ils transforment moins en France", souligne cet agriculteur.

Ces inquiétudes ne pourront être que renforcées par les propos de M. Besnier, au lendemain de la présentation d'une loi Alimentation censée régler enfin la crise des éleveurs français, essorés par les diktats des industriels comme Lactalis et de la distribution.

"Qu'est ce qu'on veut demain pour la filière laitière?", s'est interrogé le dirigeant. "Est-ce qu'on veut uniquement répondre aux besoins des consommateurs français, et dans ce cas, avoir une valorisation plus importante du lait, ou bien est-ce qu'on veut vendre aussi à l'export?"

"Il faut bien comprendre qu'on ne peut se replier uniquement sur la France" lance-t-il, une situation qui serait "dramatique en termes d'emplois et de producteurs".

- Inquiétudes à l'étranger aussi -

Dans l'immédiat, le groupe parie sur le développement du marché du lait infantile, une des grandes spécialités françaises à l'exportation, et compte "relancer" les marques Milumel et Picot, massivement retirées des linéaires de supermarchés.

"Cela prendra du temps, mais nous ne pensons pas qu'elles soient irrémédiablement affectées", juge M. Besnier, qui compte "renforcer" ses contrôles sur le lait infantile avec un "deuxième laboratoire".

Une façon d'essayer de rassurer l'ensemble du secteur industriel français, plus ou moins directement touché par l'affaire puisque la France exporte 40% de son lait et que le marché infantile est "en croissance à l'international".

"L'affaire Lactalis a eu un impact fort. Il y a eu beaucoup de questions posées aux correspondants de l'interprofession en Asie" lors du récent voyage d'Emmanuel Macron en Chine, confirme à l'AFP Damien Lacombe, président de Coop de France métiers du lait.

Après des années d'absence de transparence sur ses comptes, et des accusations d'évasion fiscale dans trois médias différents (Les Jours, Mediapart et Ebdo), Lactalis a parallèlement riposté jeudi en démentant toute "pratique fiscale illégale".

En 2017, à l'occasion de la tentative de rachat des derniers 2,26% du capital de l'Italien Parmalat qui lui manquaient, le groupe avait déjà été contraint de lever un peu le voile sur ses chiffres, mais.. en italien, comme l'a relevé le Monde la semaine dernière. Ainsi ses derniers résultats connus portent sur 2015, avec un bénéfice net de 432 millions d'euros sur un chiffre d'affaires de 16,8 milliards, selon le quotidien.

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