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Armes à feu: deux Américaines se cherchent des crosses

A chaque fusillade qui endeuille l'Amérique, Shannon Watts et Dana Loesch montent au créneau --entendez leur compte Twitter-- et reprennent une lutte implacable sur le sujet des armes à feu.

La première martèle qu'il faut stopper la prolifération de ces engins responsables de 33.000 décès annuels aux Etats-Unis, la seconde affirme au contraire que les citoyens doivent davantage s'armer pour se défendre.

Les deux femmes, qu'absolument tout oppose, sont les pasionarias d'une question pourtant essentiellement associée aux hommes. Elles ont des centaines de milliers de partisans d'un bout à l'autre des Etats-Unis. Des élections locales peuvent basculer sur une seule consigne de leur part.

Ultra-connectées, elles exploitent à merveille les réseaux sociaux, où chacune "trolle" l'autre. Sur une vidéo YouTube, Mme Loesch, micro en main, harcèle même Mme Watts en marge d'un rassemblement de militants.

"God, family, guns". Sur son profil Twitter aux 700.000 abonnés, Mme Loesch affiche ses valeurs: Dieu, la famille, les armes. Son avant-bras est tatoué d'une épître aux Ephésiens du Nouveau Testament sur l'armure du chrétien.

Elle aime poser en minijupe, talons aiguilles, veste de cuir, son fusil d'assaut AR-15 en main.

"Je suis maman. C'est pourquoi je possède des armes", affirme l'animatrice de radio de 39 ans, devenue la plus télégénique des porte-parole de la National Rifle Association (NRA), le premier lobby américain des armes.

Son influence lui a valu une longue interview le mois dernier avec le vice-président des Etats-Unis. "Je suis un fan", lui a confié Mike Pence.

- Une armée de 'Mamans' -

Shannon Watts a elle travaillé dans la communication d'entreprise puis été mère au foyer, élevant cinq enfants dans une région rurale de l'Indiana.

Cette vie paisible a basculé un jour marqué au fer rouge dans l'histoire américaine: le 14 décembre 2012, un déséquilibré tuait 20 bambins dans une école primaire du Connecticut. Mme Watts a d'abord envisagé de quitter le pays, puis a opté pour la lutte.

"Je savais comment ouvrir une page Facebook. C'est ce que j'ai fait. Et à l'époque je n'étais pas vraiment une prodige. J'avais 75 amis Facebook", relate la quadragénaire partout où on l'invite. Cinq ans plus tard, le compte fédère plus d'un demi-million d'abonnés.

L'organisation "Moms Demand Action For Gun Sense In America", est selon sa fondatrice devenue une "armée" avec des antennes dans les 50 Etats américains.

Les "Mamans qui exigent de l'action", reconnaissables à leur tee-shirt rouge, sont aujourd'hui des présences familières dans les mairies et les capitoles, exerçant une pression permanente sur les élus.

"Moms Demand Action" dispose de finances confortables, s'étant jumelée avec le mouvement Everytown for Gun Safety du milliardaire Michael Bloomberg, l'ancien maire de New York.

D'où le surnom de Mme Watts: "Pire cauchemar de la NRA". Et d'où les invectives de Dana Loesch, qui a comparé les militantes anti-armes à des "putains qui se branlent sur les tragédies".

Un langage vulgaire assumé par cette radicale issue du Tea Party et du site ultra-conservateur Breitbart News.

La chroniqueuse a publié deux livres: "Touche pas à mon arme: mettre en échec le complot pour désarmer l'Amérique" et "La Nation qu'on survole: vous ne pouvez pas diriger un pays où vous n'avez jamais mis les pieds", dans lequel elle reproche aux élites de méconnaître l'Amérique profonde.

- Arsenal à domicile -

Shannon Watts dénonce en réponse la "rhétorique raciste, sectaire et violente de Loesch visant à fomenter une guerre culturelle tuant les Américains et enrichissant les fabricants d'armes".

L'une comme l'autre affirment recevoir des menaces de mort quotidiennes. Dana Loesch accuse sa rivale d'embaucher des gardes du corps armés, mais elle-même dispose d'un "arsenal d'armes à feu stratégiquement placées" dans sa maison, selon le New York Times. Journal que l'intéressée qualifie de "vieux torchon malhonnête".

Dana a épousé Chris Loesch, un "musicien, chanteur, producteur, compositeur et tireur". Ce fils de prédicateur, à la longue barbiche et à la moustache en croc, accompagne la carrière explosive de sa femme, des studios de radio aux stands de tir.

Sa bête noire est également Mme Watts. Il a publié sur Twitter une double photo des adversaires, chacune dans une robe rouge moulante, ainsi légendée: "Qui la porte le mieux?"

Mmes. Watts et Loesch n'ont pas répondu à une demande d'interview de l'AFP.

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