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Biodiversité : il faut sauver K12, étalon cob normand

Ancien lad-jockey et premier garçon d'écurie dans l'univers des courses hippiques, Philippe Lucas s'est trouvé un nouveau cheval de bataille avec la sauvegarde du cob normand, l'une des dix races de chevaux de trait répertoriées en France et toutes plus ou moins en péril.

Le cob est d'autant plus menacé que seulement 144 naissances ont été enregistrées en 2017. Il s'agit d'un étiage depuis la mécanisation de l'agriculture et de l'armée, au sortir de la seconde guerre mondiale.

Descendant du carrossier normand, cheval destiné à tracter des véhicules légers, "le cob, c'est la polyvalence par excellence. On peut le monter à la selle car il n'a pas un gros coffre, l'atteler en carriole, l'utiliser en agriculture pour éviter les phytosanitaires et herbicides chimiques, dans le binage des vignes, le maraîchage", explique M. Lucas, installé avec sa famille sur quelques hectares d'un vallon à Gacé (Orne).

Né dans une famille de petits agriculteurs ornais, Philippe Lucas a "redécouvert la problématique" du cob normand en septembre 2017, lors de la célèbre foire de Lessay (Manche), en échangeant avec de petits éleveurs déboussolés.

- K12 -

Le bai brun K12 est le fer de lance du combat de Philippe Lucas pour relancer la race.

Avec son épouse Roselyne, ils accueillent des chevaux en souffrance pour le compte de la Fondation Brigitte Bardot, et sont allés récupérer il y a quatre mois en Haute-Marne cet étalon de 20 ans.

Le cheval, dernier représentant d'une lignée d'autant plus précieuse qu'elle est oubliée, était dans un état d'isolement et de santé déplorable. Depuis le reproducteur a repris 150 kg et recouvré du muscle. Et déjà sailli quatre juments, dont trois sont pleines.

Il fallait absolument sauver K12 pour conserver un étalon et donc une certaine diversité pour la reproduction. Son nouveau propriétaire met en garde face à la consanguinité, une des causes du tarissement de la race.

"Les petits effectifs de poulinières, dont beaucoup ne sont pas répertoriées, et le manque de choix chez les reproducteurs ont accentué le problème", renchérit Roland Raoult, agriculteur à Fermanville, près de Cherbourg. Les éleveurs, qui ont cherché à élever des bêtes plus lourdes pour la plus-value bouchère, ont aussi dénaturé le modèle du cob.

Empêcheur de tourner en rond, Philippe Lucas a utilisé tous les leviers (élus, collectivités territoriales, Institut français du cheval et de l'équitation (IFCE), ministère de l'agriculture, média) pour sensibiliser sur la biodiversité équine, patrimoine et témoin de notre diversité collective.

Président du syndicat du cob normand, Didier Lalonde entend les arguments. "Je ne suis pas hippophage, mais il ne faut pas se voiler la face, la viande est un débouché", remarque M. Lalonde. Qui élève des percherons -autre race de trait-, mais aussi du selle français, cheval de sport et de loisir dont le commerce est plus rémunérateur.

- "D'une sociabilité exemplaire" -

Philippe Lucas a remporté une première victoire. K12 a réussi à Saint-Lô le pré-agrément d'admission au stud-book cob normand. Et le haras du Pin (Orne) va récupérer le conservatoire national de la race. Le cob fait partie d'ailleurs du panel des différentes races normandes -de l'abeille noire à la chèvre des fossés- que la région a décidé de sauvegarder et valoriser.

Alain Garot, délégué national chevaux de trait, ânes et chevaux territoriaux à l'IFCE, "faisait partie du jury et il m'a dit qu'il était bon de revenir à ce type de modèle, d'arrêter de faire du lourd et du gros", précise M. Lucas.

Le cob normand a un autre atout: son caractère exceptionnel. Ce qui lui confère un large éventail d'utilisation hors agriculture: l'attelage, le tourisme, la police, fortement intéressée par cet auxiliaire de sang-froid, l'équithérapie. "Ils sont d'une sociabilité exemplaire, même entre eux", ajoute l'éleveur.

En Normandie, région unique au monde par la diversité de ses chevaux, le cob est un phare. Il a participé, par le brassage des races, à l'émergence du trotteur français et de l'anglo-normand, cheval de sport. Lutteur B et Jappeloup, champions olympiques de saut d'obstacles respectivement en 1964 et 1988, ont été les fleurons de l'anglo-normand, désormais une chimère, issus l'un et l'autre d'un croisement de pur-sang et de trotteurs.

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