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Brexit: "Il faudra peut-être une crise politique pour qu'un compromis apparaisse"

Le gouvernement britannique doit préciser vendredi les contours du futur partenariat qu'il souhaite avec l'UE. En fonction de ce choix, il y aura un prix économique ou politique à payer, déclare à l'AFP Pascal Lamy, ancien commissaire européen et ex-directeur de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

Question : On doit connaître plus précisément vendredi, vingt mois après le vote du Brexit, la position du gouvernement britannique sur la future relation commerciale qu'il souhaite avec l'Union Européenne. Pourquoi a-t-il fallu attendre autant ?

Réponse : Je vois deux raisons. La première, et je la connais bien parce que j'ai passé 30 ans de ma vie dans les négociations commerciales, c'est que c'est horriblement complexe, beaucoup plus compliqué que ce que les gens ne pensent.

Et la deuxième, c'est que plus les Britanniques sortent de l'UE, plus ça leur coûte. Moins ils veulent que ça leur coûte, moins ils doivent sortir, et là il y a un problème politique. Le compromis entre sortir suffisamment pour satisfaire les partisans du Brexit mais pas trop pour que ça ne coûte pas trop cher à l'économie britannique, ce compromis n'est pas pour l'instant disponible au sein du gouvernement. Donc il faut un travail au sein du gouvernement, et peut-être même à un moment une crise politique, pour qu'un tel compromis apparaisse.

Q : Les partisans du Brexit mettent en avant la future capacité du Royaume-Uni à négocier des accords commerciaux avec des pays tiers. Comment jugez-vous cet argument ?

R : C'est vrai qu'en théorie, les Britanniques vont récupérer une autonomie de leur politique commerciale qu'ils n'ont pas comme membre de l'UE. Est-ce qu'ils pourront faire mieux, avec un marché de 60 millions de consommateurs, que ce qu'ils faisaient au sein d'un marché de 500 millions de consommateurs ? C'est pas sûr. Dans les négociations commerciales, vous pesez le poids de votre marché. Moi je vais faire des efforts pour accéder à votre marché si c'est un grand marché, si c'est un petit marché, je vais pas payer le même prix.

Et par ailleurs, il y a la question de l'expertise. Les États de l'UE ont désarmé leur expertise commerciale puisque c'était fait au niveau fédéral à Bruxelles. C'était tout à fait naturel, ils l'ont fait pour économiser l'argent du contribuable. Donc il faut que les Britanniques se réarment, et ça, ça prend du temps. De l'expertise, c'est du temps et de l'argent.

Q : La question de la nécessité d'éviter la restauration d'une frontière entre l'Irlande du Nord et la République d'Irlande ne va-t-elle pas conditionner tout l'accord ?

R : Cette question irlandaise est elle-même plus compliquée que ce qui est déjà très compliqué. (...)

Quoi qu'il arrive, si le Royaume-Uni sort du marché intérieur et de l'union douanière, il faudra une frontière quelque part, soit entre l'Irlande du Nord et la République d'Irlande, soit entre l'île d'Irlande, et l'île britannique, c'est à dire sur la mer. De mon point de vue, il faut forcément une frontière pour vérifier les gens et les marchandises. (...)

Sur l'Irlande comme sur le reste, aujourd'hui, il n'y a pas de solution sur la table, et je n'en suis pas vraiment surpris, tellement c'est compliqué. Dans ces conditions, la date du 29 mars 2019 (date prévue de la sortie du Royaume-Uni de l'UE, ndlr), est beaucoup trop près d'aujourd'hui pour que les termes d'un accord qui gouvernera les relations futures entre l'Union européenne et le Royaume-Uni soient disponibles.

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