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Chine: des propriétaires floués demandent des comptes à Evergrande

"Ils me doivent plus de 10 millions!": Mme Xia comme des dizaines de propriétaires spoliés manifestent devant le siège du géant chinois de l'immobilier Evergrande, qui a admis mardi ne pas pouvoir faire face à ses obligations.

Evergrande, écrasé par un passif de près de 260 milliards d'euros, est le plus gros promoteur immobilier de Chine.

Son éventuelle liquidation aurait des conséquences considérables, non seulement sur l'économie chinoise mais aussi sur la "stabilité sociale" chère aux dirigeants chinois.

Evergrande indique employer 200.000 personnes et générer indirectement 3,8 millions d'emplois dans le pays.

Mardi, une grosse soixantaine de personnes inquiètes manifestaient devant le siège du groupe à Shenzhen (sud). Des policiers équipés de boucliers transparents en bloquaient l'accès et empêchaient les journalistes de filmer.

"On a géré des projets pour eux mais on n'a toujours pas été payés. Ils ne nous ont donné aucune explication", peste l'un des manifestants rencontrés par l'AFP et qui n'a pas souhaité donner son nom par peur de représailles.

En Chine, les manifestations sont de facto illégales.

Récemment, plusieurs sous-traitants et fournisseurs s'étaient plaints de ne pas être payés. Et des chantiers ont été mis à l'arrêt.

- "Atteinte à nos droits" -

Evergrande "doit plus de 20 millions de yuans à notre patron et encore plus à beaucoup de gens ici", affirme M. Cheng, un ouvrier d'une entreprise de construction. Cette somme représente plus de 2,5 millions d'euros. "On est très inquiets [...] mais on ne peut rien faire", affirme-t-il, résigné.

Parmi les manifestants figurent des propriétaires qui ont payé en avance la construction de leur logement mais risquent de ne jamais pouvoir en bénéficier.

"Ils me doivent plus de 10 millions de yuans!", s'emporte une femme du nom de Xia. "Evergrande est un grand groupe. On s'attendait à ce qu'il rembourse mais ce n'est pas le cas en fin de compte. C'est une atteinte à nos droits de citoyens", estime-t-elle.

- "Impact considérable" -

L'immobilier tient une place considérable dans l'économie représentant plus du quart des investissements dans le pays.

Alors que des dizaines de millions de ménages ont investi dans la pierre, les conséquences macroéconomiques pourraient être graves si la valeur des biens tombait sous le montant des emprunts à rembourser.

Evergrande a succombé aux nouvelles règles imposées par Pékin pour enrayer la spéculation immobilière après des décennies d'argent facile, lorsque les promoteurs multipliaient les incitations pour convaincre les propriétaires de s'installer dans du neuf.

Evergrande ne peut désormais plus vendre de biens avant d'en avoir formellement fini la construction. Un modèle dont le groupe a largement usé dans le passé pour se financer et maintenir à flot ses activités.

Selon des experts, le groupe doit notamment encore achever 1,4 million de logements pour une valeur totale de 170 milliards d'euros.

Dans une déclaration mardi à la Bourse de Hong Kong, où le groupe est coté depuis 2009, Evergrande a admis faire face à une "pression énorme" et indiqué explorer "toutes les solutions possibles" pour son problème de liquidités.

Toutefois, "il n'y a aucune garantie que le groupe soit en mesure d'honorer ses obligations financières", a averti le mastodonte de l'immobilier.

La dégringolade du groupe s'est accélérée la semaine dernière avec l'abaissement de sa note par des agences de notation financière, tandis que l'action tombait plus bas que lors de son introduction à Hong Kong il y a 12 ans. L'action a encore perdu près de 12% mardi sur la place hongkongaise.

Malgré la pression, Pékin "ne laissera pas Evergrande faire faillite", estiment les analystes du cabinet SinoInsider, basé aux Etats-Unis. "Cela aurait un impact considérable sur le régime" et sa stabilité, font-ils remarquer.

"L'issue la plus probable est une restructuration avec d'autres promoteurs immobiliers qui reprendraient les projets inachevés", pronostique M. Williams.

Poly Property, filiale d'un groupe militaire chinois et basé à Hong Kong, pourrait faire partie des entreprises appelées à la rescousse d'Evergrande, selon les analystes de Saxo banque.

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