Accueil Actu

Chine: l'économie s'essouffle en mai, prudence de la banque centrale

Ralentissement de la production industrielle, net essoufflement des investissements et de la consommation... et menaces d'une guerre commerciale: l'économie chinoise s'est fragilisée en mai, sur fond de durcissement du crédit, de quoi inciter à la prudence la banque centrale du géant asiatique.

La demande intérieure chinoise, que Pékin entend muscler pour rééquilibrer son modèle de croissance, a enregistré le mois dernier une baisse de régime inattendue et jugée alarmante.

Certes, les ventes au détail, baromètre des dépenses des ménages, ont augmenté en mai de 8,5% sur un an, a indiqué jeudi le Bureau national des statistiques (BNS). Mais c'est très au-deçà des performances d'avril (+9,4%) et mars (+10,1%), et surtout à rebours des attentes des experts, qui anticipaient une légère accélération.

Dans le même temps, la production industrielle progressait de 6,8% sur un an, moins bien qu'en avril (+7%) et en-deçà de la prévision des analystes sondés par l'agence Bloomberg (+7%).

L'activité avait récemment profité d'une demande internationale robuste, et surtout de la fin des restrictions antipollution imposées durant l'hiver: mais "ce sursaut tend désormais à s'estomper, et le resserrement du crédit s'intensifie", pesant sur l'industrie, observe Chang Liu, analyste du cabinet Capital Economics.

L'administration du président Xi Jinping s'efforce en effet d'endiguer l'envolée de l'endettement chinois et des risques financiers à coups de tours de vis réglementaires contre le secteur bancaire et la "finance de l'ombre" (arsenal d'instruments de crédit non régulés).

Au risque d'asphyxier des entreprises peinant à se financer ailleurs: le volume total du crédit dans le pays s'est essoufflé drastiquement, en dépit des efforts de la banque centrale pour maintenir la liquidité du système et encourager les prêts bancaires aux entreprises.

Selon Commerzbank, il y a "une contagion évidente, à l'économie réelle, du mouvement de désendettement du secteur financier".

- Froid sur les investissements -

De manière emblématique, les investissements en capital fixe, témoin des dépenses dans les infrastructures et l'immobilier, ont gonflé de 6,1% sur un an pour la période janvier-mai, un essoufflement extrêmement marqué.

Selon Bloomberg, ils enregistrent leur plus faible progression depuis 1999 et le début des publications de l'indicateur.

"Cela implique que la croissance des investissements est tombée pour le seul mois de mai à 3,9% sur un an, contre 6,1% en avril, principalement en raison des investissements d'infrastructures", qui ont sévèrement trébuché, souligne Chang Liu.

"Le facteur essentiel, c'est la rapide contraction de la +finance de l'ombre+, qui représentait le principal canal de financement pour les investissements dans les infrastructures et l'immobilier", décrypte Ting Lu, économiste de Nomura.

De plus, "le gouvernement central veut mettre le holà aux partenariats public-privé" et a "suspendu nombre de projets d'infrastructures lancés par les administrations locales, afin de juguler l'endettement de ces dernières", poursuit-il.

Mais le durcissement du crédit pèse également sur les dépenses des ménages, qui ont plus de mal à décrocher des prêts à la consommation.

- Banque centrale aux aguets -

Dans ce contexte, la banque centrale chinoise (PBOC) a renoncé jeudi à emboîter le pas à la Réserve fédérale américaine (Fed) qui avait relevé la veille ses taux d'intérêt.

Contrairement à qu'on attendait, la PBOC n'a pas renchéri ses coûts d'emprunt à court terme, laissant inchangé le taux d'intérêt auquel elle procure des liquidités aux banques commerciales via des d'accords de rachats à sept jours.

"Face au ralentissement économique pire qu'attendu, et aux possibles retombées d'une guerre commerciale, Pékin choisit de modérer son insistance sur le désendettement et d'introduire des assouplissements limités", commentait Ting Lu.

La Chine reste sous la menace de tarifs douaniers américains punitifs sur des importations chinoises, que Washington pourrait annoncer de façon imminente.

"Les frictions commerciales ne font que compliquer les problèmes sans les résoudre", a plaidé jeudi Mao Shengyong, porte-parole du BNS.

Pour soutenir une activité fragilisée, la PBOC, estime Ting Lu, pourrait donc sabrer, "dans les deux prochains mois", les ratios de réserves obligatoires imposés aux banques, dans l'espoir de les inciter à octroyer davantage de prêts.

De son côté, suite à la décision de la Fed, l'Autorité monétaire de Hong Kong, banque centrale de facto du territoire chinois semi-autonome, a relevé son propre taux dans la même proportion, à 2,25%. Le dollar hongkongais est indexé depuis 1983 au dollar américain.

À lire aussi

Sélectionné pour vous