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Colombie: le tourisme, arme contre la violence d'un quartier de Medellin

Ses rues en terrasse ont souvent été maculées de sang. Mais la Comuna 13, "favela" des hauteurs de Medellin en Colombie, ne veut plus être synonyme de violence ou de danger. Et elle lutte avec une nouvelle arme: le tourisme.

Dans les escaliers étroits, où s'affrontaient guérilleros et paramilitaires, se promènent aujourd'hui des visiteurs étrangers. Ils prennent des photos tous azimuts et échangent avec les rescapés de cette lutte meurtrière du XXe siècle.

Les efforts de pacification des autorités portent leurs fruits depuis une dizaine d'années, même si la population n'a pas oublié des opérations militaires controversées pour venir à bout de la violence.

Cette commune de 138.000 habitants a commencé à revivre en partie grâce au street art, que la mairie voit comme une "opportunité de développement", selon Pablo Velez, du sous-secrétariat au Tourisme.

Devenue l'une des "étapes incontournables d'une visite à Medellin", la Comuna 13 accueille environ 25.000 personnes chaque mois.

Si le changement est venu accompagné de fresques colorées, de musique de de petits plats - loin des narco-tours exaltant la mémoire de Pablo Escobar, le baron de la cocaïne abattu en 1993 - le trafic de drogue et le racket n'ont pas complètement disparu.

Mais la violence n'a plus "l'ampleur" d'autrefois, souligne Piedad Restrepo, directrice du programme de supervision civique Medellin Como Vamos (Medellin, comme nous allons).

- Art rebelle -

Julian Garcia guide les touristes dans les ruelles abruptes décorées de félins bleus ou de visages métis. Ce jour-là, des Mexicains et des Américains l'écoutent raconter la genèse des fresques.

"C'est une visite historique, esthétique, politique aussi. L'idée du +Graffiti Tour+ est que les gens se sentent chez eux (...) comme des habitants du quartier", explique cet étudiant en communication, âgé de 26 ans.

Les façades de brique et de ciment ont commencé à se parer de couleurs il y a une vingtaine d'années. A l'époque, les fans de rap et de hip hop rendaient ainsi hommage aux victimes des affrontements et critiquaient la répression de l'Etat.

Ce qui a débuté comme un acte de protestation se traduit aujourd'hui par plus de 800 oeuvres de 300 artistes.

En 2012, Julian Garcia a créé avec des amis un parcours d'environ trois heures qui, contre l'équivalent d'une dizaine de dollars, permet de découvrir les "richesses culturelles du quartier".

Il souligne le pouvoir de transformation du tourisme. "Avant, nous devions cacher que nous vivions dans la 13. Aujourd'hui, nous en sommes fiers!"

Gabriel Couto, touriste mexicain de 47 ans, pense que ce "Graffiti Tour" pourrait être copié dans son pays, dévasté par le narco-trafic: "C'est étonnant de voir toute une histoire résumée en couleurs dans les rues (...) cette résilience issue de la violence et de la marginalisation".

- Epicentre de la guerre -

Venue comme d'autres de la côte pacifique, la famille Rivas s'est installée il y a une quarantaine d'années. Paola, 37 ans, se souvient comment, de terre d'opportunités, la 13 s'est convertie en épicentre du conflit armé, avec un nombre incalculable de morts et de disparus.

"Dans les années 1990, nous nous sommes retrouvés en pleine guerre civile", rappelle cette cuisinière qui mitonne des plats typiques pour les touristes, au prix maximum de six dollars.

Matias Rogi, venu d'Argentine, se régale ainsi d'un ragoût de poisson-chat. "Avant de venir ici (...) on n'imagine pas la transformation que peut vivre une société", estime-t-il.

Né dans la 13 il y a un quart de siècle, Alexander Gamboa et ses tresses passeraient inaperçus dans les quartiers new-yorkais, où est né le "break dance", emblématique du hip hop.

Ce jeune noir a commencé à danser il y a six ans. Ce qui n'était qu'une manière de s'exprimer "librement" est devenu son gagne-pain, comme pour une cinquantaine d'autres jeunes d'origine pauvre qui ont grandi dans ce quartier.

Avec deux exhibitions par heure, il gagne une centaine de dollars par semaine. Ainsi il peut nourrir sa famille, et s'acheter chaussures et vêtements qui se détériorent vite en frottant sur le bitume, au fil de ses figures.

Selon lui, les jeunes ne veulent plus rester plantés à un coin de rue, mais "s'éduquer" afin de pouvoir échanger avec les touristes.

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