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Consentement à la publicité ciblée: la Cnil ne satisfait personne

Agaçants pour nombre d'internautes pressés, les bandeaux "cookies" omniprésents sur les sites européens doivent être plus explicites pour la Cnil, gendarme des données personnelles. Éditeurs et publicitaires contestent ce durcissement des règles, dont l'application est pourtant jugée tardive par des associations.

La Cnil a publié début juillet ses nouvelles "lignes directrices", interprétation de l'évolution des règles européennes, qui définissent comment recueillir le consentement des visiteurs de sites ou applications mobiles à être les destinataires d'une publicité ciblée.

Généralement, le ciblage d'un internaute passe par le dépôt sur son navigateur d'un certain nombre de traceurs dont des +cookies+ publicitaires, mouchards numériques permettant de définir ses centres d'intérêt.

Parmi les nouveautés, le consentement au dépôt de traceurs ne pourra plus être déduit de la simple poursuite de la navigation et tous les opérateurs techniques qui traquent et analysent les données de consultation devront être en mesure de prouver le consentement de l'internaute.

- "La publicité sans cookies, ça n'existe pas" -

Pour neuf organisations dont notamment le Groupement des éditeurs de services en ligne (Geste), le Syndicat des régies internet (SRI), l'Union des entreprises de conseil et d'achat média (Udecam) et l'Union des marques, la Cnil "dépasse les limites normales d'interprétation" des directives européennes.

Étienne Drouard, l'avocat du groupement qui a déposé un recours devant le Conseil d'État le 18 septembre, met en garde contre la tentation, par exemple, de "dresser la liste exhaustive des entreprises" impliquées dans le suivi et le ciblage publicitaire, seule manière pour ces entreprises de prouver le recueil des consentements: "Ce n'est pas prévu par les textes européens", notamment le Règlement général sur la protection des données, dit-il à l'AFP.

Par ailleurs, de telles règles "ne protègent pas non plus l'internaute car on le noie sous l'information et on prive les entreprises qui ne seraient pas dans cette liste de tout rôle économique", estime l'avocat.

Il dénonce aussi l'interdiction faite par la Cnil des +cookies walls+ : une pratique qui consiste à bloquer l'accès à un contenu pour qui ne consent pas à être suivi. Pour les éditeurs et publicitaires, le visionnage d'une publicité est la contrepartie de l'accès à un contenu gratuit.

Or "la publicité sans +cookies+, ça n'existe pas", justifie Etienne Drouard. Les publicitaires investissent lourdement dans des technologies de ciblage ou d'automatisation des publicités permettant de mieux valoriser les annonces et de lutter contre la domination des Gafa sur le marché.

Pour être rassurés sur la réalité de leur audience, les annonceurs exigent aussi, via une multiplicité d'intermédiaires, le dépôt de traceurs pour prouver que chaque visionnage est bien le fait d'un humain.

- Pas de sursis -

La Cnil s'est donné jusqu'à début 2020 pour publier une "recommandation" qui dira comment appliquer ses "lignes directrices" puis laissera une période de six mois supplémentaires aux entreprises pour s'adapter. Ce n'est qu'après cette date (mi-2020) que la présidente de cette instance s'autorisera à saisir le collège restreint de la Cnil pour des infractions de ce type, c'est-à-dire à ouvrir des procédures de sanction.

Mais pour l'association de défense des internautes La Quadrature du Net et l'association pour le développement d'une messagerie libre Caliopen, les nouvelles règles de la Cnil doivent s'appliquer sans attendre la période de transition voulue par le régulateur.

"La protection de nos libertés fondamentales ne peut connaître aucun nouveau sursis", ont dit les deux associations lors de l'annonce d'un second recours au Conseil d'État - distinct de celui des éditeurs et publicitaires - dont l'examen a eu lieu lundi.

Une décision du Conseil d'Etat est attendue dans la première quinzaine d'octobre.

Alors que l'ancienne législation obligeant à un consentement au moins "équivoque" n'est pas aujourd'hui appliquée par tous les éditeurs, l'arrivée sans délai de sanctions serait brutale pour tous les acteurs, de la PME jusqu'aux grands groupes, explique à l'AFP un spécialiste du dossier qui préfère ne pas être cité.

Le délai laissé aux opérateurs "tient compte de l'exigence juridique de prévisibilité, en cas de changement des règles applicables, résultant notamment de la Convention européenne des droits de l'homme", avait d'ailleurs justifié la Cnil dans un communiqué.

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