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Création d'un grand pôle financier public en France, mode d'emploi

Le gouvernement a lancé jeudi le chantier d'un grand pôle public de banque et d'assurance sous l'égide du groupe La Poste, qui va passer par un complexe montage financier pour unir Banque Postale et CNP Assurances.

Voici le mode d'emploi du montage envisagé par le gouvernement et justifié par la nécessité de permettre à La Poste de trouver de nouvelles sources de revenus.

Quelle est la situation actuelle ?

Actif dans la livraison de courrier, la logistique et les services financiers via sa filiale Banque Postale, le groupe La Poste est un établissement entièrement public, détenu à 26% par la Caisse des dépôts et à 74% par l'Agence des participations de l'Etat (APE).

De son côté, CNP Assurances est l'un des géants français de l'assurance, coté sur l'indice parisien CAC40. Le groupe est détenu à 42% par la Caisse des dépôts et l'Etat. Parmi ses autres actionnaires, l'assureur compte La Banque Postale et le mastodonte bancaire mutualiste BPCE, qui possèdent à eux deux quelque 36% du capital via une structure commune baptisée Sopassure. Enfin, près de 22% du capital appartient à des investisseurs privés, qu'ils soient individuels ou institutionnels, au nombre de 140.000.

Quel est le montage retenu ?

Pour mener à bien le rapprochement de CNP Assurances et de la Banque Postale, tout repose sur la Caisse des dépôts.

D'après le schéma retenu, l'institution, bras financier de l'Etat, doit devenir majoritaire au capital de La Poste en mettant la main sur une partie des parts détenues par l'Etat français via l'APE. A terme, la Caisse détiendra ainsi "plus de 50%" des parts du groupe, a précisé jeudi le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire lors d'une conférence de presse à Bercy.

De son côté, l'Etat veillera à rester au-dessus de la minorité de blocage, c'est-à-dire un tiers des voix plus une en France.

En retour, la Caisse des dépôts apportera à La Poste sa participation d'environ 40% dans CNP Assurances, valorisée actuellement aux alentours de 6 milliards d'euros.

"La Poste restera un établissement public", a martelé M. Le Maire.

Quand à CNP Assurances, "dans la mesure où, à l'issue de cette opération, La Banque Postale sera majoritaire au capital de la CNP (à hauteur de presque 60%), elle aura vocation à diriger la CNP en tant que maison mère", a déclaré Philippe Wahl, patron du groupe La Poste, durant cette même conférence de presse.

Comment parvenir à ce résultat ?

Le coup d'envoi de l'opération est officiellement prévu lundi 3 septembre, date à laquelle le gouvernement va déposer un amendement à la loi sur la croissance et la transformation des entreprises, baptisée "PACTE", pour permettre de déverrouiller le capital du groupe La Poste.

Une fois la loi promulguée, la Caisse des dépôts et La Poste saisiront formellement l'Autorité des marchés financiers pour obtenir une dispense d'offre publique d'achat. Au regard de la loi française, tout actionnaire qui atteint ou dépasse 30% du capital d'une entreprise française cotée doit lancer une offre publique d'achat sur l'ensemble du capital.

"Si la dérogation à l'OPA n'était pas accordée, nous prendrons les décisions qui seront nécessaires. On s'adaptera à ce moment-là", à déclaré Eric Lombard, le directeur général de la Caisse des dépôts, sans donner davantage de détails.

Devra également être dénoncé le pacte d'actionnaires au capital de CNP Assurances, qui court jusqu'au 31 décembre 2019 et qui liait BPCE et La Banque Postale via la structure Sopassure.

"L'opération sera engagée avant la fin de l'année 2019", a souligné M. Le Maire.

"A l'issue de cette année (2019), les actionnaires de Sopassure retrouveront une participation directe au capital de CNP Assurances", a ajouté M. Lombard, soulignant souhaiter que "BPCE reste associé au développement de CNP Assurances".

Quels sont les obstacles ?

Outre la nécessité pour la loi PACTE d'être votée et promulguée, le projet pourrait se heurter à l'opposition de certains actionnaires privés de CNP Assurances. Dans le cas où l'Autorité des marchés financiers donnerait son feu vert à la dérogation à l'OPA, certains actionnaires mécontents pourraient notamment être tentés de contester cette décision en justice. Le projet devra par ailleurs recueillir le feu vert des autorités de supervisions bancaires, que sont la Banque centrale européenne et la Banque de France, ainsi que celui des autorités de concurrence.

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