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Dans l'Arctique, le champ de gaz de Nord Stream 2 se prépare dans l'incertitude

Menaces de sanctions, retard de permis, nouvelles règles européennes: les écueils s'accumulent pour le projet de gazoduc Nord Stream 2 entre la Russie et l'Allemagne. Mais dans l'Arctique, les préparatifs battent leur plein pour l'alimenter.

Plus d'un millier de kilomètres de tuyaux ont déjà été posés au fond de la Baltique pour lancer ce projet, en dépit des réticences de certains pays européens, soucieux de réduire leur dépendance au gaz russe, et de la franche opposition américaine au motif que l'Ukraine perdrait avec le transit de ces ressources d'importants revenus.

Mais le projet se prépare aussi à la source du futur gazoduc: le champ gazier de Bovanenkovo, sur la péninsule russe de Yamal, à 400 kilomètres au nord du cercle arctique, recouvert par la neige par -8 degrés en mai.

A 2.200 km de Moscou, le consortium Nord Stream 2, mené par le géant russe Gazprom, y a invité presse et investisseurs pour montrer l'ampleur du projet. Ce champ, découvert dans les années 1970 et exploité depuis 2012, alimente déjà le marché russe et le premier gazoduc Nord Stream 1.

"Il y a toutes ces discussions politiques, qui disent que c'est un projet politique.... Ici nous pouvons voir la réalité: le gaz vient d'ici, il doit être exporté vers l'Europe et la distance la plus courte est en passant par Nord Stream 2, ce sera 2.000 kilomètres plus court que la route actuelle par l'Ukraine", martèle Henning Kothe, chef du projet. "C'est un fait, pas de la politique".

Sur place, l'objectif est d'augmenter la capacité de ce champ aux 4.900 milliards de mètres cubes (bcm) de réserves de gaz, en la faisant passer de 115 à 140 bcm par an pour répondre au lancement prévu de Nord Stream 2.

Le projet de 9,5 milliards d'euros est financé à moitié par Gazprom, le reste étant couvert par ses partenaires européens: les Allemands Wintershall et Uniper, l'Anglo-Néerlandais Shell, le Français Engie et l'Autrichien OMV, à hauteur de 10% chacun.

Le financement est bouclé à 80%. Engie indique avoir déjà débloqué 650 sur les 950 millions prévus.

Sur la Baltique, deux navires s'activent pour poser huit kilomètres de pipeline par jour. Environ la moitié des 2.473 km prévus (pour un double gazoduc de 1.200km) ont été posés, indique l'opérateur.

La date de livraison prévue est fin 2019, mais le patron de Gazprom Alexeï Miller a évoqué dimanche pour la première fois publiquement la possibilité que le projet ne soit terminé qu'en 2020.

Le Danemark n'a en effet toujours pas délivré de permis de traverser ses eaux, alors que tous les autres pays l'ont fait.

- "Scénario catastrophe" -

Repousser la mise en service pourrait créer des difficultés considérables.

Aujourd'hui, la plus grande partie du gaz russe à destination de l'Europe transite par l'Ukraine (plus de 80% en 2018 selon Gazprom). Or l'accord de transit entre la Russie et l'Ukraine s'achève fin 2019 et les deux pays, à couteaux tirés, n'arrivent pas à se mettre d'accord pour la suite.

Interrogé sur la possibilité de finir l'année sans Nord Stream 2 et sans accord de transit avec l'Ukraine, Dmitri Khandoga, vice-président de la production de Gazprom, botte en touche au sujet de ce qu'il appelle un "scénario catastrophe".

A cela s'ajoute la menace croissante de sanctions américaines. A Kiev mardi, le secrétaire américain à l'Energie Rick Perry a évoqué "dans un futur pas si lointain" des mesures qui imposeront "des restrictions très onéreuses aux entreprises qui continuent à faire affaires avec Nord Stream 2".

Henning Kothe dit "prendre au sérieux" ces menaces mais relativise. "Nous avons déjà vu des démarches similaires. Jusqu'à présent, le risque de sanctions n'a pas eu d'effet, aucun de nos partenaires n'a quitté le projet", dit-il à l'AFP.

En attendant, Nord Stream 2 s'attache à dépolitiser la question. La demande pour le gaz russe augmente en Europe, où les ressources s'épuisent. En Russie à l'inverse Gazprom a annoncé la découverte de deux nouveaux champs gaziers dans l'Arctique.

Et les responsables du projet réfutent toute volonté de priver Kiev du transit gazier: "même si Nord Stream 1 et 2 fonctionnent à plein il y aura besoin de faire transiter du gaz par l'Ukraine".

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