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Dans les Pyrénées, la transhumance avec la peur de l'ours

C'était la transhumance ou rien. Pas question de renoncer, mais Nicolas Bengoechea, berger à Iraty, dans les Pyrénées, à une poignée de kilomètres de la Navarre espagnole, l'avoue : "A quelques jours de partir, fin avril, c'était le stress dans la vallée, tout le monde ne parlait que de ça".

"Ca", c'est une attaque de l'ourse Claverina, réintroduite en octobre dernier dans le Béarn. Le 30 avril, Nicolas Bengoechea découvrait l'une de ses brebis tuée, à trois kilomètres de son exploitation, dans le village de Larrau, en Soule. "Le matin, une brebis est revenue toute seule jusqu'à la ferme et j'ai trouvé ça bizarre donc je suis allé voir. J'ai mis toute une journée à retrouver mes bêtes, dont une était morte".

Le collier émetteur de l'ourse Claverina borne ce jour là à 400 mètres de la prairie clôturée du berger, comme le confirmera quelques jours plus tard la sous-préfecture d’Oloron-Sainte-Marie qui évoque un "dégât d’ours".

Débute alors une saison d'estive au goût amer pour les éleveurs, même si jusque-là, "tout s'est bien passé", assurent ceux d’'Iraty. Dans le kayolar Ibarrondua (petite maison de berger en montagne), à 1300 mètres d'altitude, au pied du pic d’Orhy, ils sont huit à se relayer toute la saison, de juin à fin septembre, pour surveiller quelque 1.500 brebis.

"On ne s’est pas posé la question de monter ou pas. La viabilité de l’exploitation dépend de la transhumance", souligne Nicolas Bengoechea qui est installé en GAEC (groupement agricole d’exploitation en commun) avec son père Jean-Marc depuis 2008.

Son grand-père avant lui ainsi que son arrière-grand-père ont eux aussi arpenté chaque été ces pentes montagneuses qui culminent à 2017 mètres et qui abritent la plus grande forêt de hêtres d’Europe. "Quand j’ai vu passer l’ourse dans sa cage en octobre, je ne me doutais pas que huit mois plus tard elle serait chez moi", souffle l’éleveur.

- "Redescendre tous les jours, c'est Infernal"-

Pour le père comme pour le fils, les mesures de protection préconisées par les services de l’Etat qui proposent une aide à l’emploi d’un berger supplémentaire et qui encouragent à prendre un patou, ces gros chiens des Pyrénées, ou à construire un parc de nuit pour rentrer les bêtes, ne sont pas adaptées "à notre façon de voir le pastoralisme".

"Parquer 1.500 brebis, je ne sais pas si vous imaginez. C’est contraire au parcours des bêtes qui ont tendance à pâturer en montant et à dormir sur les hauteurs. Ça voudrait dire les redescendre tous les jours, c’est infernal", s’exclame Jean-Marc Bengoechea, berger transhumant depuis les années 1980.

Quant aux parcs, "on a de forts doutes" assure le père qui est également maire de Larrau. "En Ariège, ça ne suffit pas à éviter les attaques d’ours".

A Iraty, la petite trentaine de kayolars concentrent environ 80.000 bêtes, ovins comme bovins, précise Sébastien Uthurriague, éleveur transhumant du kayolar Ibarrondua, et par ailleurs représentant de la chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques.

Pour Nicolas Bengoechea, le choix est simple, "si dans quelques années il y a 10 ou 15 ours, on arrêtera la transhumance. Et je ne serai plus berger. Je préfère arrêter mon métier que de faire de l’intensif".

Et bien que le ministère de l’Agriculture ait autorisé l’effarouchement du prédateur des troupeaux dans les Pyrénées – selon des conditions très strictes – l’éleveur basque ne "s’y voit pas". "Ce n’est pas moi qui irai effaroucher un ours en lui tirant dessus avec des balles en caoutchouc. On ne sait pas la réaction qu’il peut avoir. C’est à l’État de s’occuper de ça".

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