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De l'héroïne au glyphosate: trois choses à savoir sur Bayer et Monsanto

La condamnation mercredi aux Etats-Unis de Monsanto, dont l'herbicide au glyphosate a été jugé cancérigène pour la deuxième fois en quelques mois, pourrait coûter cher à l'allemand Bayer, qui a racheté le spécialiste américain des désherbants et semences l'an dernier pour 63 milliards de dollars.

Voici trois choses à savoir sur ces deux groupes à la réputation déjà sulfureuse:

- Agent Orange et héroïne -

Monsanto, fondé en 1901 à Saint-Louis dans le Missouri, a d'abord produit de la saccharine, un puissant édulcorant, puis s'est lancé dans l'agrochimie à partir des années 1940. Son défoliant appelé "Agent Orange", connu pour ses funestes traînées arc-en-ciel, a été massivement utilisé par l'armée américaine au Vietnam.

Son herbicide vedette et controversé, le Roundup, est lancé en 1976, et Monsanto met au point dans les années 1980 la première cellule de plante génétiquement modifiée avant de se spécialiser dans les OGM.

Bayer, fondé en Allemagne en 1863, a inventé l'aspirine, mais aussi vendu de l'héroïne au début du XXe siècle, alors utilisé comme substitut à la morphine... et comme remède contre la toux.

Pendant la Seconde guerre mondiale, Bayer fait partie tout comme son compatriote BASF du conglomérat chimique IG Farben, tristement célèbre pour avoir fourni aux nazis le Zyklon B utilisé dans les chambres à gaz.

- "Monsatan" -

Alors que l'agriculture se prépare pour nourrir une population de plus en plus nombreuse, Bayer lorgnait depuis longtemps sur l'américain Monsanto et ses semences OGM capables de résister aux plus puissants pesticides.

Espérant échapper à l'hostilité que suscite dans le monde la seule évocation de Monsanto, Bayer a décidé d'abandonner ce nom après son opération de rachat.

Parfois appelée "Monsatan" ou "Mutanto" par ses détracteurs, la firme est aussi bien mise en cause pour les OGM que pour les effets du glyphosate, principe actif du Roundup, dont le caractère cancérogène fait l'objet d'études contradictoires.

Le gouvernement français s'est récemment engagé à cesser d'utiliser cette substance d'ici 2021, sans pour autant inscrire l'interdiction dans la loi.

L'ONG "Les Amis de la Terre" a elle rebaptisé la fusion Bayer-Monsanto "les noces du diable".

- 11.200 requêtes -

Mercredi, Monsanto a été condamné par un jury populaire à verser plus de 80 millions de dollars à Edwin Hardeman, un retraité malade d'un cancer qu'il attribue au Roundup. C'est une deuxième défaite judiciaire de taille pour le groupe, qui va faire appel du jugement.

Dans un premier procès intenté par le jardinier américain Dewayne Johnson, qui a imputé son cancer à son exposition répétée au Roundup, Monsanto avait été condamné en août dernier par un tribunal californien à payer près de 290 millions de dollars de dommages, avant que la somme soit réduite depuis à 78,5 millions de dollars par un autre juge. Bayer a fait appel sur le fond.

Le groupe risque bien plus gros avec pas moins de 11.200 affaires similaires qui sont pendantes, selon le décompte effectué fin février par le patron de Bayer, Werner Baumann.

L'issue du procès Hardeman devrait servir de baromètre pour les procès regroupés avec lui.

Bayer ne communique pas sur les provisions financières auxquelles il compte procéder, mais les analystes estiment que ces procès en rafale pourraient lui coûter 5 à 10 milliards de dollars.

En 2001, Bayer avait déjà été sérieusement ébranlé sur le marché américain par le retrait de son anticholestérol Lipobay/Baycol, soupçonné d'avoir provoqué la mort de plusieurs patients.

Les multiples procès avaient alors coûté au géant allemand 4,2 milliards de dollars (3,7 milliards d'euros).

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