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Depuis l'affaire Cahuzac, des outils plus affûtés contre la fraude fiscale

Des progrès notables, malgré des failles persistantes: cinq ans après l'affaire Cahuzac, la lutte contre l'évasion fiscale a gagné en efficacité en France, même s'il reste du chemin à parcourir pour en finir avec la fraude.

Condamné en 2016 à trois ans de prison et cinq ans d'inéligibilité pour ses comptes cachés à l'étranger, l'ex-ministre du Budget Jérôme Cahuzac, jugé en appel en février, sera fixé sur son sort mardi.

- PNF, HATVP, de nouveaux outils -

Révélée fin 2012, cette affaire avait entraîné dès 2013 une série de réformes pour renforcer la traque des fraudeurs: la loi sur la transparence de la vie publique et celle sur la lutte contre la fraude fiscale.

La première a interdit aux parlementaires de cumuler leur mandat avec certains métiers, et instauré l'obligation pour 9.000 décideurs publics - dont les élus - de déclarer leur patrimoine à une commission indépendante: la Haute autorité de la transparence de la vie publique. La HATVP n'a pas hésité à rendre publics des manquements, entraînant la démission de deux ministres, Yamina Benguigui (Francophonie) et Thomas Thévenoud (Commerce extérieur).

La seconde loi a permis la création d'un parquet national financier (PNF), chargé des affaires les plus complexes, et renforcé les sanctions pénales pour les fraudes fiscales les plus lourdes, avec 10 ans d'inéligibilité encourue.

Le PNF a quant à lui obtenu quelques condamnations à forte valeur symbolique, comme celles du sénateur Serge Dassault ou de l'ancien bras droit de Nicolas Sarkozy, Claude Guéant, et le versement de 300 millions d'euros par une filiale suisse de la banque HSBC pour échapper à un procès. Il est à l'origine des poursuites contre l'ex-Premier ministre François Fillon.

Début 2018, le PNF gérait 480 procédures. En trois ans, les amendes et confiscations prononcées ont atteint 1,2 milliard d'euros.

- Offensive dans les entreprises -

Fin 2016, la France a encore musclé son arsenal, avec l'adoption d'une loi sur la transparence de la vie économique, dite "Sapin II".

Ce texte, salué par les ONG, a créé un statut pour les lanceurs d'alerte, introduit de nouvelles infractions pour les faits de corruption transnationale, renforcé le contrôle des lobbies et mis sur pied une Agence française anticorruption (AFA).

Cette dernière, opérationnelle depuis fin 2017, est chargée de prévenir la corruption dans les entreprises de plus de 500 salariés et faisant plus de 100 millions d'euros de chiffre d'affaires, en les conseillant et en les contrôlant.

- Fraude toujours plus sophistiquée -

Ces avancées s'inscrivent dans un contexte international propice, après une série de scandales, des "LuxLeaks" aux "Panama Papers". Près de 80 Etats, dont la totalité des membres de l'Union européenne, ont accepté, sous la houlette de l'OCDE et du G20, de s'échanger des informations relatives aux comptes bancaires. D'ici fin 2018, ils seront plus de 90.

"Nous savons que nous pouvons faire mieux", a reconnu fin janvier le Premier ministre Edouard Philippe, en annonçant un nouveau "plan antifraude" face à des montages toujours plus complexes, comme l'ont montré cet automne les "Paradise papers", une masse de documents révélée par un consortium de journalistes.

Parmi les mesures du projet de loi dévoilé en mars: rendre obligatoire la publication du nom du fraudeur en cas de condamnation pénale, pratique dite du "name and shame", création d'un service d'enquête au sein de Bercy, introduction d'une procédure de "plaider coupable" pour les fraudeurs poursuivis au pénal, et des sanctions pour les sociétés et cabinets d'avocats ayant facilité des montages frauduleux.

En France, le gouvernement estime que 40 à 80 milliards d'euros d'impôts échappent chaque année à l'Etat du fait de la fraude. Fermé fin 2017, le guichet ouvert en 2013 à Bercy pour les fraudeurs repentis a permis de régulariser 32 milliards d'euros d'avoirs et, pour l'Etat, de recouvrer près de 7,8 milliards.

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