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Des associations et les banques s'écharpent sur les frais facturés aux clients fragiles

Parole tenue ou promesse bafouée? Des associations et le secteur bancaire se sont écharpés jeudi sur la question du plafonnement des frais d'incidents bancaires pour les clients fragiles, à l'issue d'une enquête clients mystère contestée par les banques.

Conséquence du mouvement des "gilets jaunes", les banques se sont engagées en décembre 2018, sur demande du président de la République, à plafonner les frais d'incidents bancaires à 25 euros mensuels pour l'ensemble des clients fragiles.

Ces frais correspondent notamment aux commissions d'intervention, aux montants facturés pour une lettre d'information pour incident bancaire ou pour un rejet de prélèvement.

Or le "plafonnement n'est pas mis en place pour l'immense majorité des clients noyés sous les frais pour incidents", accusent la revue 60 millions de consommateurs et l'Union nationale des associations familiales (Unaf), qui ont effectué un test avec une centaine de personnes, auprès de huit réseaux bancaires (BNP-Baribas, la Banque Postale, Société Générale, LCL, Banques Populaires, Caisse d'Epargne, Crédit Mutuel et Crédit Agricole).

"Ces engagements sont tenus", a immédiatement contesté la Fédération bancaire française, affirmant notamment qu'un million de clients avaient "déjà bénéficié du plafonnement", sur un total estimé de 3,4 millions de personnes en situation de fragilité financière.

"Pour les 2,4 millions restants, le plafond n'avait donc pas été atteint", a-t-elle précisé, indiquant que les frais d'incidents s'élevaient en moyenne à 17 euros mensuels.

- Cent quatre clients mystère -

Pour leur enquête menée entre juin et juillet, 60 millions de consommateurs et l'Union des associations familiales ont demandé à 104 clients "en grande difficulté" de rencontrer leur conseiller afin d'obtenir "une solution à leur situation".

Parmi ces personnes, 13 sont interdites bancaires, 23 surendettées et 68 perçoivent de 1.000 à 1.800 euros par mois et subissent des frais d'incidents de plus de 40 euros mensuels depuis trois mois.

Verdict: "78% des interdits bancaires et des surendettés ne bénéficient d'aucun plafonnement alors que ces personnes devraient automatiquement y avoir droit", a déploré la revue.

Dans la troisième catégorie, 91% des clients ne profitent pas non plus du plafonnement.

Si 27% des personnes ayant participé au test ont obtenu le remboursement d'une partie de leurs frais, 9% n'ont obtenu "aucune proposition de solution".

Pour la Fédération bancaire française, cet échantillon est "particulièrement imprécis et restreint", préférant se référer à une enquête de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).

"On a regardé 535 dossiers, avec des échantillonnages, en prenant des clients qui avaient l'année d'avant des frais excessifs. Résultat, dans 90% des cas le plafond avait été appliqué", a rappelé lors d'une conférence de presse Frédéric Visnovsky, médiateur du crédit et secrétaire général adjoint de l'ACPR.

"Il reste un petit 10% qui tenait à plusieurs facteurs", a-t-il précisé, notamment aux "systèmes" qui n'étaient "pas forcément prêts".

- Continuer les contrôles -

Face à cette polémique, le gouvernement a cherché à rassurer. "On va évidemment continuer les contrôles avec l'ACPR et la Banque de France et nous ferons un point en fin d'année", a indiqué jeudi sur France 2 la secrétaire d’État à l’Économie Agnès Pannier-Runacher. Les banques "se sont engagées, l'ACPR contrôle, donc évidemment il y aura des suites si ce n'est pas respecté".

"Compte tenu des 6,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires généré par ces frais d'incidents, il faut cesser de compter sur la bonne volonté des banques et enfin passer par une disposition législative contraignante pour que la promesse faite en pleine crise des gilets jaunes soit effectivement tenue", estiment de leur côté 60 millions de consommateurs et l'Unaf.

Pour mieux protéger les clients dits fragiles, l'Observatoire de l'inclusion bancaire (OIB), présidé par la Banque de France, a invité la semaine dernière les banques à adopter dès le premier trimestre 2020 des pratiques permettant de les détecter de façon "plus rapide et plus durable".

Cette détection répond à la fois à des critères objectifs réglementaires -comme des incidents de paiement à répétition pendant trois mois ou une procédure de surendettement jugée recevable- et à d'autres critères laissés à l'appréciation des banques -tels que la prise en compte du montant des revenus disponibles et du niveau de dépenses.

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