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Des catcheuses très couvertes pour leur premier match en Arabie saoudite

Combinaisons noires et t-shirts amples, de célèbres catcheuses américaines ont combattu jeudi soir dans des costumes bien plus couvrants qu'à l'accoutumée pour le premier match féminin organisé en Arabie saoudite, royaume ultra-conservateur qui tente de changer son image.

Les superstars de la célèbre World Wrestling Entertainment (WWE), Natalya et Lacey Evans, se sont affrontées au stade King Fahd de Ryad, le premier combat de catch féminin dans ce pays du Golfe connu pour son application d'une version ultra rigoriste de la loi islamique.

A l'arrivée sur le ring des vedettes aux cheveux blonds non couverts mais très pudiquement vêtues, un groupe de trois adolescents pouffe de rire, après avoir suivi les précédents combats masculins avec sérieux et ferveur. "C'est n'importe quoi", chuchote l'un d'entre eux.

Feux d'artifice, rythmes rock'n'roll assourdissants, catcheurs déchaînés torse nu et en pantalon moulant, un public qui vibre au gré des actions, des envolées survoltées du commentateur en anglais: le spectacle rappelle toutes les compétions du WEE à l'exception du seul match féminin de la soirée.

A l'instar de leurs homologues masculins, les vedettes féminines du catch comme Lacey Evans et Natalya sont connues pour leurs tenues extravagantes, légères et moulantes. "Vous voulez qu'elles se fassent emprisonner?", ironise un expatrié qui a souhaité garder l'anonymat.

"Du catch féminin en Arabie saoudite oui, mais uniquement si elles se vêtissent comme ça, sinon ce ne serait pas possible, même si c'est vrai que le vêtement fait partie intégrante du spectacle", estime un jeune passionné de cette discipline, en t-shirt noir à l'effigie de ses athlètes préférés, et qui a également requis l'anonymat.

- "Limites" -

Ces dernières années, l'Arabie saoudite est marquée par des réformes économiques et sociales tous azimuts ainsi qu'une ouverture nouvelle aux divertissements promus par le prince héritier Mohammed ben Salmane.

Parmi elles figurent le droit pour les femmes de conduire, de voyager seules, bien qu'elles restent sous la surveillance étroite d'un "tuteur mâle" et soient tenues de se vêtir de longues robes cachant leurs formes - avec un récent assouplissement de cette règle pour les étrangères.

L'année dernière, la diffusion durant un match de catch masculin d'une vidéo promotionnelle montrant des catcheuses en petite tenue avait fait scandale dans le pays, contraignant les autorités à présenter des excuses pour ces images "indécentes".

Ahmed, 24 ans, qui dit suivre de très loin le catch, affiche un air déçu. "J'attendais surtout le match des femmes", confie le jeune homme au physique d'athlète.

"Ceux qui veulent voir un tel spectacle devraient avoir le droit d'y accéder. Et ceux à qui cela déplait peuvent très bien ne pas y assister", lance-t-il d'un ton désabusé.

Père de famille venu accompagner ses deux enfants, Ali, 40 ans, dit soutenir la multiplication des divertissements à Ryad et plus généralement les changements en cours dans le pays mais "avec des limites".

"Le sport d'accord, mais ces spectacles de femmes, honnêtement...", commence ce fonctionnaire en robe traditionnelle blanche.

"Que les femmes conduisent, c'est déjà un choc pour moi. Je ne suis pas contre mais il faut s'habituer", explique l'homme à l'air calme et souriant.

Malgré son malaise, il a, dit-il, promis à sa fille, qui lui tire le bras pour lui montrer son catcheur préféré, de lui apprendre à manipuler un volant lorsqu'elle sera en âge de conduire.

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