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Diriger une entreprise ou le Medef: pour une femme, même combat

Déjà huit prétendants, et pas une seule candidate: l'absence de femme dans la course pour prendre la tête du Medef reflète la faible féminisation des instances dirigeantes des entreprises françaises.

"Huit candidats c'est très bien, je regrette juste qu'il n'y ait pas de femme", a confié mardi lors d'une conférence de presse Pierre Gattaz, dont le mandat s'achève avec l'élection de son successeur en juillet prochain.

Dès lors, le numéro un de l'organisation patronale a lancé un "appel aux femmes cheffes d'entreprises, adhérentes du Medef, qui voudraient se positionner comme candidates" avant le 3 mai, date limite de dépôt des candidatures.

Mais de l'avis du patron des patrons, qui a succédé en 2013 à Laurence Parisot, seule femme à avoir dirigé l'organisation patronale créée en 1945 sous l'étiquette du CNPF, il n'est "pas très simple" d'attirer des profils féminins pour ce type de poste.

"Il y a des domaines, (comme celui) de la mécanique industrielle, qui sont beaucoup moins féminins, on le sait tous. Les écoles d'ingénieurs ne suscitent pas des vocations féminines à outrance", a-t-il expliqué.

Une femme pourtant était pressentie pour se lancer dans la course: Viviane Chaine-Ribeiro, présidente de la fédération Syntec qui rassemble les entreprises de l'ingénierie, du numérique et du conseil.

Hélas, l'espoir de la voir se présenter a été définitivement balayé lorsque le conseil exécutif a refusé en décembre de modifier ses statuts, qui stipulent en particulier que les candidats ne peuvent être âgés de plus de 65 ans le jour de l'élection. Or, Mme Chaine-Ribeiro vient de dépasser cette limite.

Au sein des instances du syndicat patronal, les femmes sont rares: on en dénombre 9 sur 50 au conseil exécutif, chargé de fixer la politique générale du Medef.

"On est le produit de ce que sont nos adhérents", explique à l'AFP un responsable de l'organisation. "S'il n'y a pas beaucoup de femmes dans les corps de métiers, les directions et les professions, après c'est techniquement quasi-impossible d'avoir des femmes dans le conseil exécutif du Medef", poursuit-il.

"Les femmes cheffes d'entreprise représentent à peine plus de 20% du total. C'est donc normal qu'il y ait peu de candidats, en proportion", abonde auprès de l'AFP Sophie Garcia, présidente du Medef Occitanie, et seule femme à la tête d'un Medef régional.

- pas de porosité -

Au sein du CAC 40, si le nombre de femmes administratrices a progressé de 22% en 2013 à environ 36% en 2016, grâce à une loi qui a imposé aux entreprises cotées un quota de 40% de femmes dans les conseils d'administration à partir de 2017, celui de femmes dans les comités exécutifs est passé de 16,8% à 21%, indique à l'AFP Fouad Benseddik, directeur des méthodes de l'agence de notation sociale Vigeo-Eiris.

Fait encore plus marquant: aucune femme ne porte le titre de PDG parmi les 40 plus grosses entreprises cotées tricolores. Chez Engie, Isabelle Kocher a dû récemment accepter de rester directrice générale et de voir Jean-Pierre Clamadieu prendre la présidence du groupe énergétique.

"L'espoir de la classe politique, qui disait que si on féminisait les conseils d'administration, on pourrait voir par porosité se féminiser les comités de direction" ne se matérialise pas, observe Armelle Carminati, présidente de la commission innovation sociale et managériale au Medef. "Il n'y a pas de jeu de domino".

Faut-il alors passer encore une fois par la loi pour faire évoluer les choses ? "Je pense que ça finira par arriver", déclare Fouad Benseddik. "De la même façon que la parité a été rendue obligatoire dans la vie politique, elle peut tout à fait devenir obligatoire dans la vie de l'entreprise".

Armelle Carminati est plus dubitative. "Un comité exécutif ou un comité de direction n'est pas une instance juridique obligatoire dans une entreprise", à la différence d'un conseil d'administration, relève-t-elle, jugeant plus utile de faire évoluer le code Afep-Medef de bonne gouvernance des entreprises, en instituant par exemple des contrôles réguliers de la situation dans les entreprises. En cas de non-respect des obligations, les entreprises s'exposent au risque de voir leur nom étalé sur la place publique.

"C'est une pression ferme, invitante et assez visible qui peut ébranler la caravane", estime-t-elle.

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