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Dix ans après la crise, les PDG de Wall Street touchent des salaires record

Dix ans après la crise la plus grave depuis la Grande dépression, provoquée par les errements de financiers, les salaires des grands banquiers de Wall Street battent de nouveaux records mais la répartition des bénéfices reste inégale entre les dirigeants et la base.

Les rémunérations (salaires de base et bonus) des patrons des six grandes banques américaines devraient atteindre pour 2018 des niveaux qui n'avaient plus été vus depuis 2008, même si les marchés connaissent depuis plusieurs mois des secousses qui réveillent les peurs d'il y a dix ans.

Les tensions commerciales, le ralentissement de l'économie mondiale, la montée des populismes, les désordres politiques et l'inconnue autour du divorce du Royaume-Uni d'avec l'Union européenne (Brexit) ont fait endurer en 2018 à la Bourse de New York sa plus mauvaise année depuis la crise. Les prix du pétrole ont chuté pour retomber à leurs niveaux de 2014.

D'après des documents boursiers, Jamie Dimon, PDG de JPMorgan Chase, la première banque américaine en termes d'actifs, va toucher 31 millions de dollars au titre de 2018, en hausse de 5,1%, soit sa meilleure rémunération depuis la crise de 2008.

James Gorman, le patron de Morgan Stanley, va empocher lui 29 millions de dollars, en hausse de 7%. Goldman Sachs, Bank of America, Citigroup et Wells Fargo doivent publier dans les prochains jours la rémunération de leurs dirigeants.

- Salaire record d'1,19 milliard -

Pour expliquer ces salaires colossaux, les deux banques évoquent des bénéfices record dégagés l'an dernier: 32,5 milliards pour JPMorgan et 8,2 milliards pour Morgan Stanley. Les six fleurons de Wall Street ont gagné en tout une somme record de 117,6 milliards de dollars en 2018.

Dans le même temps, la rémunération des 256.000 employés de JPMorgan n'a augmenté, elle, que de 4,4%, tandis que celle des 60.300 salariés de Morgan Stanley a diminué de 2%, selon une étude du Financial Times.

Chez Goldman Sachs, empêtrée dans le scandale politico-financier malaisien 1MDB, les salariés devraient voir leur paie baisser de 3%, tandis que ceux de Bank of America et de Citigroup ne gagneraient que 2,2% de plus comparé à 2017. Enfin, les employés de Wells Fargo vont toucher 4,1% de plus.

Les écarts demeurent importants entre patrons et employés: M. Dimon a par exemple gagné plus de 364 fois en 2017 qu'un salarié médian de sa banque, selon le syndicat AFL-CIO, tandis que le PDG de Morgan Stanley, dont la plupart des salariés sont pourtant des cadres, a touché plus de 192 fois ce qu'un salarié médian a perçu.

Ils sont encore plus conséquents chez les fonds d'investissement qui sont peu règlementés et ont récupéré les activités risquées des banques. Stephen Schwarzman, le PDG de BlackStone, a perçu 786 millions de dollars pour 2017, troisième plus grosse rémunération jamais versée à Wall Street après le 1,19 milliard de dollars empoché par Daniel Och de Och-Ziff Capital en 2008 et les 918,9 millions du même Daniel Och en 2007.

- Traders sanctionnés -

"Le grand public ne semble pas s'offusquer de ces écarts", estime Tharindra Ranasinghe, enseignant à l'école de commerce de l'université du Maryland.

Cette indifférence est due, selon l'universitaire, au fait que la plupart des voyants économiques soient actuellement au vert aux Etats-Unis. Le marché du travail est dans une situation de quasi plein emploi, la croissance reste solide, la confiance des ménages reste élevée et de plus en d'Etats et de sociétés ont décidé d'augmenter le salaire horaire minimum.

Les banques ont en outre savamment mis en avant le fait qu'une partie des bonus accordés à leurs patrons puisse ne pas leur être versée en cas de retournement de la tendance (clawback), ce qui est de nature à tempérer les critiques.

Le président républicain Donald Trump, qui ne rate pas souvent les occasions pour critiquer M. Dimon, un démocrate déclaré, n'a pas commenté le gros salaire de celui qui s'était dit "plus intelligent" que lui en septembre dernier.

Ce silence du locataire de la Maison Blanche pourrait s'expliquer par le fait que les profits des banques proviennent des activités classiques de prêts aux ménages et aux entreprises et des conseils prodigués aux sociétés cherchant à fusionner, à entrer en Bourse ou à financer leurs investissements en s'endettant auprès des marchés.

"Ça ne vient pas d'activités spéculatives contre les intérêts des Américains", souligne Gregory Volokhine, gérant de portefeuille chez Meeschaert.

Des traders spécialisés dans le courtage des obligations et de devises, activité en pleine déconfiture, ne devraient en revanche pas percevoir de bonus, a indiqué à l'AFP une source bancaire.

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