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Dix ans après la crise, Trump s'attaque à la réforme clé du refinancement immobilier

Préserver le rêve du petit propriétaire américain tout en redonnant les rênes du financement immobilier au secteur privé: le gouvernement Trump veut s'attaquer à la réforme du marché hypothécaire, qui a failli faire couler l'économie américaine en 2008.

Depuis l'éclatement de la bulle immobilière il y a plus de dix ans, provoquée par la multiplication de prêts risqués, les deux géants du marché hypothécaire, Fannie Mae et Freddie Mac, sont tombés dans le giron de l'Etat, une nationalisation qui devait être provisoire.

La réforme de ces organismes de refinancement hypothécaire qui devait être "une priorité" de l'administration Trump a tardé à venir en raison de sa grande complexité et d'intérêts divergents, mais le président américain a ordonné au Trésor et aux régulateurs la semaine dernière de s'y atteler.

En septembre 2008, il avait fallu pas moins de 188 milliards de dollars puisés sur l'argent du contribuable pour sauver les deux organismes de refinancement immobilier, évitant qu'ils n'emportent dans leur chute l'énorme marché des obligations hypothécaires et peut-être l'économie américaine toute entière.

"L'absence de réforme du financement immobilier depuis la crise de 2008 a laissé les contribuables à la merci de possibles futurs sauvetages financiers", a affirmé un mémorandum de la Maison Blanche.

Freddie Mac et Fannie Mae --dont les noms ne sont que l'adaptation phonétique de leurs acronymes comme Federal National Mortgage Association (FNMA) pour Fannie Mae--, ne font pas de crédits mais rachètent aux banques les prêts immobiliers et les garantissent.

Les deux organismes, aussi appelés GSE (Government Sponsored Enterprise), les découpent ensuite en titres et les revendent aux investisseurs garantissant ainsi quelque 6.000 milliards de dollars de titres, ce qui en fait le 2ème marché obligataire du monde après celui des bons du Trésor.

C'est ce système de financement par titrisation du crédit qui a permis de voir le jour au fameux prêt immobilier à 30 ans, une rareté dans le monde par sa durée, si ce n'est au Danemark. En rendant possible des échéances mensuelles plus faibles, il a permis à des millions d'Américains de devenir propriétaires.

- Chasse aux marchés lucratifs -

Une décennie après la crise, si une vaste réforme bancaire pour limiter le risque systémique a été votée en 2010, celle du refinancement hypothécaire butte encore sur de nombreuses questions non résolues.

Comment recapitaliser et privatiser ces organismes tout en assurant une garantie de l'Etat pour les titres hypothécaires qu'ils revendent? De quelle manière ouvrir à la concurrence, comme le veut le gouvernement, ce juteux secteur de la revente des prêts? Comment conserver une certaine mission de service public pour traiter équitablement prêteurs et emprunteurs quels que soient les régions ou la physionomie des marchés immobiliers locaux?

Dans son memorandum, Donald Trump ne dit pas qu'il va s'appuyer sur le Congrès pour dessiner cette réforme, mais le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin a assuré qu'il comptait travailler avec les élus sur ce dossier.

La semaine dernière, la Commission bancaire du Sénat a tenu des auditions de deux jours où se sont succédé experts et banquiers qui montrent l'intérêt des investisseurs pour prendre part à ce marché du refinancement hypothécaire.

"L'appétit des investisseurs pour le risque immobilier se mesure par dizaines de milliards de dollars par mois", assure Michael Bright président du SFIG (Structured Finance Industry Group), un groupement de spécialistes de la titrisation.

"La réforme devrait s'appuyer sur cette dynamique pour que ces capitaux privés aident à renforcer l'accès aux crédits immobiliers", ajoute-t-il.

Lorsque le marché immobilier va bien, cette titrisation garantie des prêts immobiliers est en effet des plus rentables.

Fannie Mae et Freddie Mac ont ainsi reversé au Trésor quelque 286 milliards de dollars en dividendes depuis qu'ils sont tombés sous la coupe de l'Etat, une somme largement supérieure à celle déboursée en 2008 pour les sauver.

L'introduction de capitaux privés et d'une plus forte concurrence inquiète cependant certains acteurs sociaux.

Pour Michael Calhoun, président de l'organisation à but non-lucratif Center for Responsible Lending Center, elle risque "d'accentuer la chasse aux marchés les plus lucratifs et servir seulement certains régions ou types d'emprunteurs".

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