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Du répit pour L'Huma en redressement judiciaire

Un répit pour le journal de Jean Jaurès : le quotidien L'Humanité, en grande difficulté financière, a été placé jeudi en redressement judiciaire, ce qui va lui permettre de maintenir sa parution, avant une nouvelle audience en mars.

Le tribunal de commerce de Bobigny (Seine-Saint-Denis), auprès duquel le journal s'était déclaré le mois dernier en cessation de paiements, a approuvé jeudi sa demande de placement en redressement judiciaire, avec poursuite d'activité, et l'a assortie d'une période d'observation de six mois, selon un jugement que l'AFP s'est procuré.

Le tribunal a en outre désigné deux administrateurs judiciaires, ainsi qu'un mandataire, et une nouvelle audience est prévue le 27 mars.

Parmi les administrateurs chargés d'épauler le groupe dans son redressement, figure une grande spécialiste du sauvetage d'entreprises, Hélène Bourbouloux. Elle s'est occupée ces dernières années de dossiers emblématiques (Presstalis, FagorBrandt, Vivarte, SoLocal...).

Au sein de la rédaction, l'annonce de ce répit a été aussitôt saluée, mais n'a pas calmé les inquiétudes quant à la situation du journal.

"Nous sommes plutôt soulagés, car on évite le pire (ndlr : une liquidation) et nous sommes contents d'avoir du temps pour redresser la barre, mais c'est une période d'incertitude qui s'ouvre", a confié à l'AFP un journaliste du quotidien.

- Appels aux dons -

La situation du journal communiste avait été examinée le 30 janvier par le tribunal de commerce de Bobigny.

Selon un document judiciaire, le quotidien qui emploie près de 200 personnes et a réalisé 30 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2018, présentait un passif total de près de 9 millions d'euros, pour un peu plus de 6 millions d'euros d'actifs.

La direction du journal, qui a expliqué cette mauvaise passe financière par la crise générale que traverse la presse écrite en France, avait dès le départ écarté le spectre d'une liquidation judiciaire et demandé l'ouverture d'une procédure de redressement, pour permettre au quotidien d'apurer ses dettes tout en maintenant sa parution.

Dans un message adressé aux salariés, le directeur du journal Patrick Le Hyaric a expliqué qu'il allait devoir prendre avec le mandataire des mesures de court terme pour équilibrer la trésorerie. "Dans le même temps nous commencerons à établir un plan de redressement soutenable de moyen terme", a-t-il précisé.

"Cette mise en redressement judicaire est à la fois une nouvelle positive, la plupart des entreprises étant mises en liquidation après leur passage devant le tribunal de commerce. Mais elle ouvre également une période d'incertitude pour le journal et chacun de ses salariés", a estimé le syndicat SNJ-CGT.

De son côté, le Syndicat national des journalistes a appelé à "sortir L'Humanité d'une logique de survie permanente, pour enfin la faire vivre de manière pérenne", estimant que "les plans stratégiques accumulés ces dernières années par la direction du journal n'ont pas trouvé les débouchés escomptés".

Fondé par Jean Jaurès en 1904, figure tutélaire du socialisme en France, L'Humanité, qui fut des années 1920 jusqu'en 1994 l'"organe central" du Parti communiste français, a régulièrement fait face ces dernières années à des difficultés financières qui l'ont obligé à lancer plusieurs appels aux dons.

Il avait également été contraint de vendre en 2008 son siège à Saint-Denis conçu par le célèbre architecte Oscar Niemeyer.

Tiré à près de 50.000 exemplaires, le quotidien a vu ses ventes chuter en France de 6% en 2017-2018, à 32.700 exemplaires en moyenne. Cependant, son nombre d'abonnés a progressé l'an dernier et les ventes en kiosque ont augmenté en novembre et décembre avec une forte actualité sociale.

Après l'annonce de sa cessation de paiement, le journal a mobilisé ses lecteurs pour l'aider à collecter des fonds. Une soirée de soutien est notamment prévue le 22 février à Paris. Et de nombreuses personnalités, notamment à gauche mais également au-delà, ont fait part de leur soutien à "L'Huma", et ont relayé sa campagne de souscription.

"Il faut prendre la mesure de la gravité du déclin constant de la presse d'opinion... Par là aussi, notre démocratie fout le camp", a lancé le cinéaste Robert Guédiguian dans les colonnes du journal.

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