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En Argentine, la classe moyenne, elle aussi, au bord du "défaut de paiement"

Crédits impayés, dettes auprès de l'école des enfants, du médecin ou du psychologue : la classe moyenne argentine est au bord du "défaut de paiement", à l'instar des comptes du pays.

"Nous n'arrivons pas à tout payer, nous coulons petit à petit", se lamente Monica qui, honteuse du retard de paiement des frais de scolarité de ses deux enfants, ne veut pas donner son nom et refuse de se laisser photographier.

Comme beaucoup de ses amis, cette avocate de 42 ans et son mari, comptable, maintiennent leur niveau de vie au prix d'impayés, alors que l'inflation en Argentine pourrait atteindre cette année 50%.

"Sans épargne, nous avons commencé il y a trois ans à payer nos dépenses quotidiennes avec des crédits. Autrefois, c'était pour acheter les cadeaux de Noël, aujourd'hui c'est pour payer la lumière, le téléphone, la nourriture, tout!".

A l'image du pays qui vient de demander au Fonds monétaire international (FMI) un rééchelonnement de sa dette de 57 milliards de dollars, la stratégie mise en oeuvre par la famille au quotidien a conduit à des dettes désormais impossibles à honorer.

"Au début, nous remboursions tout le crédit accordé par le biais de notre carte (de crédit) à la fin de chaque mois. Puis nous n'y sommes plus arrivés, et avec le taux d'intérêt (jusqu'à 170% annuel), nous sommes au bord de la ruine", raconte la quadragénaire, incrédule devant la rapidité du changement.

Afin de ne pas renoncer à l'utilisation de la voiture familiale, Monica l'a convertie au gaz naturel, moitié moins cher que l'essence. Pour économiser sur la coiffure, elle a appris comment se couper les cheveux elle-même.

Par chance, le couple est propriétaire de son appartement et a un emploi, dans un pays où le taux de chômage atteint 10% et la pauvreté touche 32% de la population.

"Nous avons une dette envers le psychologue, nous sommes en retard pour le paiement des charges de copropriété et de la mutuelle, nous n'allons plus au supermarché, mais dans les magasins de gros et nous renonçons aux vacances", énumère-t-elle.

- "Payer, payer" -

Ni elle, ni son mari ne soutient le gouvernement du président de centre droit Mauricio Macri, qui avait fait appel en 2018 au FMI, mais n'a pas pu empêcher l'économie d'entrer en récession et la monnaie de dévisser.

Le président brigue un deuxième mandat le 27 octobre, mais son opposant, le péroniste de centre gauche Alberto Fernandez part favori.

"Qu'est ce que nous espérons ? Nous savons qu'il nous faudra des années pour nous remettre à flot et nous désendetter, et peut-être que nous n'y arriverons jamais", se désole l'avocate.

Pas plus que Monica, Miguel, 50 ans, ne souhaite donner son nom. Marié, père d'une fille de 17 ans, il fait des ménages dans une entreprise. La spirale de ses dettes l'empêche de dormir.

"En trois ans, j'ai contracté quatre emprunts : deux pour payer le crédit de ma carte, que ma banque a fini par me retirer car je ne payais plus, et deux autres pour payer les premiers crédits car les taux d'intérêts étaient partis en sucette", explique-t-il.

La moitié de son salaire de 30.000 pesos (460 euros) va au remboursement de ses emprunts.

Pour économiser sur les transports, il fait une partie de son trajet quotidien en vélo. "De cette façon, je ne dépense que 300 pesos (4,50 euros) par mois, sinon ce serait le double".

"Des petits plaisirs ? Même pas le cinéma en famille une fois par mois, seulement payer, payer", répète, accablé, le quinquagénaire qui vit avec sa famille dans la maison de sa mère.

Au moins, il n'a pas de loyer à payer à la différence de Claudia, 45 ans. L'entreprise où elle travaillait a mis la clé sous la porte en 2017 et elle a dû déménager dans un studio avec ses deux enfants de 11 et 17 ans.

"Je suis passée de la gestion de 40 magasins à faire des ménages à l'heure", explique-t-elle.

L'an dernier, elle a retiré sa fille de l'école privée pour la mettre dans un établissement public avec cantine. "Ils la laissent toujours apporter un plateau supplémentaire" à la maison, dit-elle gênée. Parfois, elle-même ne boit qu'un verre d'eau sucrée en guise de souper.

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