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En Equateur, la fièvre de l'or menace l'exploitation minière légale

"Scène de crime - interdiction de passer": derrière le ruban jaune des forces de l'ordre, des dizaines de générateurs saisis aux orpailleurs illégaux sont empilés. En Equateur, le gouvernement tente de juguler la fièvre de l'or qui menace l'exploitation minière balbutiante.

Dans cette zone escarpée perdue au nord-est de l'Equateur, à proximité de la frontière avec la Colombie, le vert de ces collines près de La Merced de Buenos Aires ne se distingue presque plus. Ces derniers mois, des milliers de mineurs de fortune sont venus tenter leur chance en creusant par petites touches, laissant apparaître des versants de terre rougeâtre.

Là, en lieu et place de la végétation, une forêt de plastique a vu le jour au milieu de la brume: des centaines de structures en bois recouvertes de bâches noires abritaient l'entrée des mines illégales, des lieux de prostitution ou des centres de communication équipés d'antennes paraboliques.

Jusqu'à 15.000 personnes, dont des familles entières avec des enfants qui espéraient gagner jusqu'à 150 dollars par jour en concassant la roche, avaient été attirées par le métal jaune enfoui sous la montagne.

"C'était un travail très difficile mais ça valait le coup vu ce qu'on gagnait", raconte à l'AFP un ancien mineur qui préfère rester anonyme, quelques jours après une vaste opération de la police et de l'armée pour évacuer cet endroit où opéraient des groupes armés, selon les autorités.

A présent, le site est désert, sous bonne garde des militaires.

"On nous a expulsé, mais l'or est comme un aimant: il attire le bon et le moins bon", ajoute cet homme aux mains usées par ce rude travail.

La Merced de Buenos Aires, bourgade rurale de 1.800 habitants, a commencé à changer à partir de la fin 2017. La nouvelle qu'un gisement d'or se trouvait là avait commencé à se répandre.

- "Un très bon business" -

"A mesure qu'il y avait de plus en plus de monde, l'or à commencé à sortir. Il y avait des gens qui venaient du Venezuela, du Pérou, de République dominicaine et de tout l'Equateur", décrit German Fraga, 50 ans, un habitant.

"Les aliments dans les magasins ont commencé à manquer. Alors, ils (les orpailleurs illégaux) ont commencé à s'approvisionner eux-mêmes, à faire venir (les marchandises) dans des camionnettes", ajoute-t-il.

Dans ce type de site minier illégal, où circulent des quantités importantes de liquide, "il est très facile de blanchir de l'argent" pour les organisations mafieuses, souligne le vice-ministre des Mines, Fernando Benalcazar. "C'est ce que nous avons constaté à (La Merced de) Buenos Aires", ajoute-t-il à l'AFP sans donner plus de détails.

L'orpaillage illégal, "c'est un très bon business. Le gramme d'or se négocie actuellement entre 40 et 45 dollars", confirme l'expert minier Andrés Ycaza.

Mais cette situation était difficilement tenable pour les autorités équatoriennes, d'autant que cette zone fait partie de la concession appartenant à l'entreprise minière australienne Hanrine.

Quelque 2.400 policiers et soldats ont donc été déployés au début du mois de juillet. L'évacuation s'est déroulée sans incident. "Matériel aurifère saisi", peut-on lire sur une feuille devant une pile de sacs de terre et de roche. On en compte des milliers sur tout le site.

L'Equateur, pays pétrolier, a décidé de se diversifier en développant son activité minière. L'orpaillage illégal met donc en péril les projets du gouvernement.

"Dans les cinq ou sept prochaines années, l'activité minière sera un pilier de l'économie" équatorienne, assure Fernando Benalcazar.

Cinq projets miniers à grande échelle ont ainsi été lancés. Avec des réserves estimées à 11,1 millions d'onces d'or, 51,6 d'argent et 9,8 de cuivre, pourraient rapidement se classer parmi les principales mines de la planète.

En tout, l'Equateur s'attend à près de deux milliards d'euros d'investissement dans ce secteur d'ici à 2021, au terme du mandat du président Lénin Moreno. Le gouvernement a prévu de porter la part de l'activité minière dans le PIB de 1,61%, en 2018, à 4% trois ans plus tard.

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