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En Inde, un hôpital sur rails contre le déficient système de santé

Lorsque le Lifeline Express est entré dans la gare de la petite ville indienne assoupie de Jalore au Rajasthan (ouest), Bhagwana Ram Prajapat attendait anxieusement de pouvoir monter à bord de ce miraculeux train-hôpital.

Ce grand-père de 55 ans cherchait désespérément un traitement pour le bec-de-lièvre de son petit-fils, dans un pays au système public de santé délabré. La venue dans sa localité de ce convoi de wagons bleu ciel, décorés de peintures florales et d'un arc-en-ciel, lui a alors semblé un signe divin.

"Nous attendons de pouvoir faire opérer l'enfant depuis qu'il est né il y a un an et demi", explique-t-il alors que son petit-fils est convoyé à la salle d'opération d'un des sept wagons reconvertis. Dans les étroits couloirs, des patients attendent.

Depuis plus d'un quart de siècle, le Lifeline Express sillonne l'Inde pour offrir des traitements médicaux gratuits dans les zones reculées. Plus d'un million de patients y sont montés, pour des afflictions allant des cataractes aux cancers, leur épargnant des centaines de kilomètres pour trouver un hôpital digne de ce nom.

Le train passe un mois dans chaque district avant de se mettre en branle vers une nouvelle destination, apportant une bouffée d'oxygène aux malades pauvres qui n'ont pas accès au système de soins.

"Nous pensions que nous allions devoir voyager partout et dépenser beaucoup d'argent. Mais c'est une bénédiction de Dieu que cet hôpital soit venu à nous", se réjouit Bhagwana Ram Prajapat.

"Je m'inquiétais de la façon dont ils allaient pratiquer une chirurgie dans un train. Mais lorsque nous sommes venus ici et avons vu les équipements, il n'y a plus eu aucun doute."

Les centres sanitaires financés par l'État forment la colonne vertébrale du système de santé indien. Mais le manque de fonds, d'infrastructures et de médecins font que près de 70% du 1,25 milliard d'habitants n'ont pas accès facilement aux soins.

- Absence de gynécologues -

Bien que le pays connaisse l'une des croissances les plus rapides des grandes économies de la planète, environ 1,2 million d'enfants ont succombé en 2015 avant leur cinquième anniversaire à des maladies qui auraient pu être évitées, selon un rapport de l'Unicef.

Mal équipés, les hôpitaux publics ont généralement atteint le point de saturation. Les patients doivent souvent y attendre longtemps même pour des traitements mineurs et se voient forcés de partager les lits.

Les Indiens qui en ont les moyens prennent d'assaut les cliniques privées, bien que la moindre consultation puisse y être facturée 1.000 roupies (13,5 euros). Une somme impossible à débourser pour des millions d'Indiens, pour qui elle représente plusieurs journées de travail.

Le Lifeline Express est monté sur les rails en 1991 pour atteindre des patients nécessitant d'être traités pour des cataractes, la polio ou encore des fentes palatines. En 2016, l'établissement a étendu son domaine aux scanners et aux chirurgies liées à des cancers.

Le train dispose de deux salles d'opération et d'une équipe d'une vingtaine de personnes. La plupart des docteurs y travaillent bénévolement.

Mehak Sikka, responsable médicale au sein du Lifeline Express, a rejoint ce train-hôpital après avoir été choquée du délabrement des centres de santé.

"J'étais traumatisée de voir le système de santé, particulièrement pour les femmes, que nous avons dans ce pays", dit-elle, pointant notamment les difficultés d'accès à des gynécologues.

"Les femmes contractaient des infections juste car elles donnaient naissance à l'extérieur de l'hôpital."

- Education aux bonnes pratiques médicales -

Mais le train ne se contente pas de soigner puis de repartir. Il vise aussi à éduquer les médecins de la région et la population locale aux bonnes pratiques médicales.

"Nous essayons de montrer l'exemple sur la façon dont doit être tenue une salle d'opération. Nous nous assurons qu'un docteur local est présent lorsque nous opérons en chirurgie, afin qu'il puisse assurer ensuite le suivi de soins", explique Mehak Sikka.

Le Lifeline Express est géré par la fondation Impact India, qui travaille avec le gouvernement et est soutenue par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et l'Unicef. Depuis son lancement, plus de 130.000 opérations ont été réalisées au cours de 191 étapes à travers le pays.

La mise en service d'un second train de ce type cette année devrait permettre d'étendre le projet et de rendre son impact plus significatif.

Pour Mehak Sikka, "c'est une chose merveilleuse d'aller à la rencontre de ceux qui ont vraiment besoin de vous".

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