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Fin de la trêve hivernale: "retour à la case nulle part" pour des milliers de familles

Ils sont des milliers à partager la même angoisse: être expulsés de leur domicile à partir du 1er avril, avec la fin du "répit" offert par la trêve hivernale.

Obtenue par l'abbé Pierre après l'hiver 1954, la trêve des expulsions a démarré le 1er novembre. Pendant ces mois marqués par de très rudes coups de froid, elle a protégé les plus démunis en leur permettant de rester dans leur logement.

"Mais durant ce répit, les dossiers ont continué à vivre, et dès le 1er avril les propriétaires vont faire le siège de nos études", souligne auprès de l'AFP Pascal Thuet, de la Chambre nationale des huissiers de justice.

Selon le 23e rapport de la Fondation Abbé Pierre, 15.222 ménages ont été expulsés avec le concours de la force publique en 2016, soit environ 34.400 personnes. Un chiffre en légère augmentation par rapport à 2015.

Pourtant, explique Christophe Robert, délégué général de la Fondation, "la réalité des expulsions est deux à trois fois supérieure car il y a des personnes qui quittent leur logement avant l'intervention de la police".

Avec la fin de la trêve, commence aussi un mouvement de remise à la rue de sans-abri ayant décroché pendant l'hiver des places d'hébergement d'urgence, qui vont fermer progressivement avec les beaux jours.

Cinq mille de ces places vont être pérennisées (s'ajoutant aux 131.000 ouvertes toute l'année), a annoncé vendredi à l'AFP le ministre de la Cohésion des territoires Jacques Mézard. Il argue de la nécessité "de prendre en compte la réalité", alors que début février une polémique avait opposé gouvernement et associations sur le nombre de sans-abri à Paris.

Réclamées de longue date par les associatifs, "ces pérennisations sont un soulagement", déclare Florent Gueguen, de la Fédération des acteurs de solidarité. Mais, pour lui, "il y a une réelle contradiction entre cette annonce positive et la baisse annoncée de 9% du budget de l'hébergement en Ile-de-France pour la fin de l'année 2018".

- "Au bord d'une falaise" -

Pour Ursula, l'expulsion devrait intervenir dans les prochains jours. "Je ne sais pas encore ce que je vais devenir mais j'ai une certitude: je vais tout perdre", dit, la gorge nouée, cette mère de deux enfants vivant dans un 30 m2 du IIIe arrondissement parisien.

Cette quadragénaire qui attend un logement social depuis cinq ans cumule une dette de loyers de près de 16.000 euros: "J'ai l'impression d'être au bord d'une falaise. La chute va être rude".

Les personnes bénéficiaires du droit au logement opposable (Dalo), théoriquement protégées, ne sont pas épargnées. Selon le comité de suivi du Dalo, au moins 57 foyers reconnus prioritaires ont été expulsés en 2017.

C'est le cas d'Hélène, 57 ans, expulsée une semaine avant le début de la trêve hivernale.

A la mort de son mari il y a cinq ans, elle ne parvient plus à payer le loyer de son 150 m2 dans le Ve arrondissement de la capitale. Les dettes s'accumulent et cette ex-cadre finit par être expulsée, avant d'être relogée dans un hôtel de Montreuil (Seine-Saint-Denis). Une expérience vécue comme une dégringolade sociale et personnelle.

"Pour moi, ça a été une expérience extrêmement traumatisante. J'ai eu le sentiment d'avoir été mise au ban de la société. Finalement, c'est un peu le retour à la case nulle part", lâche-t-elle.

Si beaucoup pensent que l'expulsion marque la fin du processus judiciaire, la réalité est pourtant bien différente: "C'est seulement lorsque la dette est acquittée que tout est fini", précise Pascal Thuet.

Les dettes de loyers déclenchent, à elles seules, des mécanismes qui empêchent le retour à une situation locative normale et compliquent la vie des expulsés. La Caisse d'allocations familiales (CAF) peut suspendre le versement des aides au logement lorsque le locataire ne paie plus son loyer.

Dans cette optique, la Chambre nationale des huissiers de justice recommande chaque année aux locataires de se rapprocher le plus tôt possible de l'huissier.

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