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Fin du procès de l'arbitrage Tapie, jugement le 9 juillet

Le procès de Bernard Tapie pour "escroquerie" dans l'affaire de l'arbitrage controversé de 2008 s'est clos jeudi à Paris avec une ultime charge de la défense contre le "vide sidéral" de l'accusation, qui a requis cinq ans de prison ferme contre l'homme d'affaires.

Le tribunal correctionnel de Paris, qui le jugeait depuis le 11 mars, rendra sa décision le 9 juillet à 10H00.

Pour le ministère public, M. Tapie, affaibli à 76 ans par un double cancer, était le "co-organisateur" et le "principal bénéficiaire" de cet arbitrage "truqué" qui lui a accordé 403 millions d'euros, dont 45 millions pour un préjudice moral lié à la "faute" du Crédit Lyonnais lors de la revente d'Adidas.

S'estimant floué lors de la cession de l'équipementier sportif, l'ancien patron de l'Olympique de Marseille avait entamé un long combat judiciaire contre l'ex-banque publique et l'entité chargée de gérer son passif, le Consortium de réalisation (CDR). L'épilogue de ce titanesque contentieux aurait dû être la sentence arbitrale rendue le 7 juillet 2008.

Mais celle-ci a été définitivement annulée en 2015 au civil pour "fraude" et M. Tapie - en faillite personnelle depuis décembre 1994 - a été condamné à rembourser les sommes perçues, parallèlement à la procédure pénale.

Le tribunal correctionnel "n'est pas la chambre d'enregistrement d'une décision civile", a répété Hervé Temime, l'un des avocats de M. Tapie, demandant sa relaxe. "Malgré les trésors d'investigations, on n'a rien trouvé", a-t-il tonné.

Le parquet lui avait opposé en début de semaine les "liens anciens et réguliers" entre Bernard Tapie, son ancien conseil Maurice Lantourne et l'un des trois arbitres, le haut magistrat Pierre Estoup.

Ce dernier, principal rédacteur de la sentence arbitrale, était "à la solde" du duo, et a "abusé" ses deux co-arbitres, ont estimé les représentants du ministère public, qui ont demandé trois ans de prison ferme contre M. Estoup et trois ans avec sursis contre Me Lantourne.

En l'absence pour raisons médicales de M. Estoup, 92 ans, c'est celui qui présidait le tribunal arbitral, l'ancien président du Conseil constitutionnel Pierre Mazeaud, qui est venu défendre à la barre la "régularité" de la sentence, assurant qu'il n'était pas "manipulable".

"Pour truquer un match, il suffit d'acheter trois joueurs sur onze ou l'arbitre central. C'était un pari, ils ont joué, ils ont gagné", avait exposé le parquet dans son réquisitoire.

- "Pacte implicite" -

Pendant trois jours de plaidoiries, la défense a brocardé les "contre-vérités" et les "soupçons malveillants", dans une affaire "gouvernée par la raison d'Etat".

Elle a également dénoncé la "thèse complotiste" de l'accusation, dont la base serait un "pacte implicite" conclu entre le président élu en 2007 Nicolas Sarkozy et son soutien politique Bernard Tapie pour que l'homme d'affaires obtienne un arbitrage favorable, avec des complicités dans l'appareil d'Etat.

Dissociant le sort des trois ex-hauts fonctionnaires jugés aux côtés de M. Tapie, le parquet a requis la relaxe de l'un d'eux, Bernard Scemama, et la condamnation des deux autres, l'ex-président du CDR Jean-François Rocchi et l'actuel PDG d'Orange Stéphane Richard en tant qu'ex-directeur de cabinet à Bercy, à trois ans d'emprisonnement dont 18 mois ferme et une interdiction de la fonction publique pendant cinq ans.

Pour l'accusation, M. Richard avait influé en faveur d'une entrée en arbitrage en faisant une "présentation tronquée" du litige à la ministre de l'Economie d'alors, Christine Lagarde, et s'est donc rendu "complice" d'une "escroquerie" et de "détournement de fonds publics".

"Il n'a rien dissimulé" à la ministre de l'Economie, ce qu'elle a confirmé, a insisté l'un des avocats du PDG d'Orange, Pierre Cornut-Gentille.

L'absence de recours à l'été 2008 contre la sentence arbitrale a valu à Mme Lagarde d'être déclarée coupable de "négligence" fin 2016, mais dispensée de peine, par la Cour de justice de la République (CJR).

Parties civiles, l'Etat et le CDR ont demandé le paiement solidaire de 525 millions d'euros de dommages et intérêts pour réparer un "préjudice monumental". Ils réclament en outre respectivement un million et 500.000 euros au titre du préjudice moral.

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